L’Indigènes de Rachid Bouchareb a consacré l’avènement d’une génération d’acteurs issus de l’immigration maghrébine. Le comédien beur est désormais « bankable » en France…
En traversant la Manche pour aller filmer son émouvant London River, Rachid Bouchareb n’a pas manqué d’emmener avec lui deux des héros d’ Indigènes: Roschdy Zem et Sami Bouajila. Il leur a donné des rôles secondaires mais marquants, en leur faisant jouer des figures du quartier de Londres où se rencontrent une mère britannique et un père africain sans nouvelles de leurs enfants depuis les attentats qui ont secoué la ville. Les deux comédiens y alternent le français et l’anglais, avec une égale crédibilité dans un contexte illustrant les nouvelles réalités de la mondialisation tout en démontrant que des acteurs « beurs » made in France peuvent s’afficher internationalement.
Voici quelques décennies, s’inscrire dans le cinéma français lui-même n’était pas chose aisée pour les immigrés venus du Maghreb ou leurs descendants. Ils étaient quasiment invisibles dans le paysage audiovisuel de l’hexagone, alors même que se multi-pliaient les faits divers racistes les prenant pour cible. Yves Boisset fut, en 1975, le premier à dénoncer la chose avec son démonstratif mais plus que nécessaire Dupont Lajoie, où le viol et le meurtre d’une jeune vacancière sont injustement attribués à des travailleurs immigrés qui font l’objet d’une « ratonnade » sanglante. Mohamed Zinet, acteur d’origine algérienne remarqué dans le film, allait offrir la première présence maghrébine marquante dans le cinéma français, avec – la même année – Le Bougnoul de Daniel Mossman, et ensuite – toujours dans les années 70 – des rôles dans La Vie devant soi, Le Coup de sirocco, Robert et Robert. On peut dire de Zinet qu’il fut le précurseur d’une réalité aujourd’hui largement entérinée, sous la triple influence de l’évolution démographique, de l’émergence – dans les années 90 – du film dit « de banlieue » (autour et dans les cités concentrant les fils et filles d’immigrés) et enfin de grosses personnalités ayant forcé les portes de la célébrité nationale.
Jamel Debbouze est l’élément clé de cette génération décisive, étant devenu star et obtenant désormais un des plus gros salaires par film de tous les acteurs français. Avec lui, avec aussi Roschdy Zem et quelques autres, le comédien « beur » est désormais non seulement persona grata dans le cinéma de nos voisins du Sud. Il est aussi devenu « bankable », et un film peut se monter autour de lui. En attendant les actrices, ce qui ne saurait tarder vu la richesse du jeune talent féminin issu de l’immigration… l
Texte Louis Danvers
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici