AVEC THE IMPOSSIBLE, JUAN ANTONIO BAYONA, LE RÉALISATEUR SURDOUÉ DE EL ORFANATO, PLONGE DANS LE RAZ-DE-MARÉE DÉVASTATEUR DE 2004 LE TEMPS D’UNE SAISISSANTE OUVERTURE CATASTROPHE. AVANT DE GLISSER IMPERCEPTIBLEMENT VERS UN MÉLO FAMILIAL NOYÉ SOUS UN TSUNAMI D’ÉMOTIONS

En 2007, le succès, pas loin d’être fracassant s’agissant d’un premier long métrage espagnol, de El Orfanato, sans doute le meilleur film de fantômes de la dernière décennie, ouvrait à Juan Antonio Bayona les portes de tous les possibles cinématographiques. « J’ai reçu énormément de propositions en provenance des Etats-Unis, en effet, qui concernaient bien souvent des remakes horrifiques ou des sequels de films de genre. Il semblerait que c’est ainsi que Hollywood fonctionne: ils recyclent des formules gagnantes en allant chercher le sang neuf là où il se trouve. Mais la vérité c’est que j’ai entendu parler de cette famille espagnole qui s’était retrouvée en plein tsunami thaïlandais en 2004, et que je n’avais pas besoin d’aller à Hollywood pour raconter son histoire. J’étais capable de trouver le financement en Espagne, et je pouvais ainsi jouir d’une totale liberté. Au final, The Impossible est un film espagnol à 100 %. Seul le casting est international, tout simplement parce que c’était le seul moyen de réunir un tel budget (une quarantaine de millions d’euros, ndlr) ici en Europe.  »

Et les « stars » Naomi Watts et Ewan McGregor de se retrouver embarquées dans cette aventure basée sur une histoire vraie, et revendiquée comme telle. « Assez basiquement, je pense que vous avez une connexion plus profonde avec un film si vous savez qu’il s’agit d’une histoire vraie. Il est plus aisé de s’identifier, de rentrer dans le vécu des protagonistes. Maria, que Naomi Watts incarne à l’écran, a travaillé avec nous sur le scénario et a été très impliquée dans la fabrication du film. J’ai également rencontré beaucoup de survivants du tsunami, des Européens, des Thaïlandais, des volontaires, des personnes qui ont perdu quelqu’un dans le drame… Je voulais que The Impossible transcende le contexte tragique du raz-de-marée pour parler de la condition humaine.  »

En ce sens, il y a deux films dans le nouveau Bayona, lequel se joue des codes du cinéma catastrophe en démarrant d’emblée en mode survival, avant de s’aventurer sur le terrain fangeux du mélo. « Oui, nous avons décidé de casser les règles en commençant avec la catastrophe. Le film s’ouvre sur un choc, et il n’y a pas d’émotions dans un choc. On a choisi de ne pas mettre de musique à ce moment: juste le silence et le roulement de la vague qui arrive. En parlant avec les rescapés, revenait constamment cette idée qu’ils n’ont pas eu la possibilité ne fût-ce que de penser à ce qui était en train de se passer, c’était trop rapide, trop violent. Ils n’ont pas eu le temps de pleurer sur leur sort. Les larmes ne sont venues qu’après le drame, comme un second tsunami, plus intime. Je voulais que la construction même du film rende compte de cette réalité.  »

De grandes espérances

Débuts prometteurs, sens de l’image soufflant, maîtrise narrative… Bayona a au fond tout d’un grand cinéaste en devenir, d’aucuns n’hésitant pas, d’ailleurs, à voir en cet héritier tout désigné d’Alejandro Amenabar (Abre los ojos, The Others) et de Guillermo del Toro (producteur de El Orfanato) le nouveau Spielberg du cinéma ibérique. Et si The Impossible finit par ployer sous la charge d’un sentimentalisme un peu rance, ce deuxième long métrage n’en confirme pas moins le talent inné pour la mise en scène et les obsessions thématiques -la perte, l’enfance, la difficulté de grandir…- d’un réalisateur dont l’ambition formelle et narrative, alliée à un attrait singulier pour l’intime, pourrait faire l’un des plus fiers représentants de cette voie royale pavée aujourd’hui par un Christopher Nolan voire un Rian Johnson (Looper): celle du blockbuster d’auteur.

Pour l’heure, toutefois, Juan Antonio Bayona envisage l’avenir le plus modestement qui soit: « Mon prochain projet? Idéalement, un petit film indépendant au budget dérisoire (rires).  » Avant d’ajouter: « Plus sérieusement, c’est difficile à dire. Je préférerais rester en Europe, c’est la manière idéale de travailler selon moi. Mais tout dépendra de l’histoire qui suscitera mon intérêt. S’il y a une super histoire qui m’attend à Hollywood, j’irai la chercher là-bas. « 

RENCONTRE NICOLAS CLÉMENT, À AMSTERDAM

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