SUR SON SITE WEB, KAISER CHIEFS INVITE LES VISITEURS À CUSTOMISER SON NOUVEL ALBUM: THE FUTURE IS MEDIEVAL. POUR 8,50 EUROS, L’INTERNAUTE PEUT EN CHOISIR LES CHANSONS, EN DESIGNER LA POCHETTE ET MÊME FAIRE QUELQUES BÉNEFS. L’AVENIR, C’EST MAINTENANT.

Tout le monde le sait. La révolution est en marche. Et les zozos de Kaiser Chiefs qui ont toujours prédit l’émeute, « the riot » comme ils disent avec leur accent typique du nord de l’Angleterrre, préfèrent battre le pavé tant qu’il est chaud plutôt que de se croiser les bras en se demandant qui paiera leurs cuites dans 20 ans.

Comment, vous demandez-vous, un groupe avec un nom de club de foot sud-africain qui collectionne les tubes pour stades de Premiere League pourrait réinventer l’industrie du disque? En prônant un principe footballistique vieux comme le monde. Celui qui veut que la meilleure défense est l’attaque. Et donc que dans la vie comme dans le foot, la prudence devient vite de la passivité.

Alors que leur 4e album, The Future is Medieval, a déboulé le 24 juin dans les bacs en format tout ce qu’il y a de plus traditionnel, les 5 lads de Leeds proposent depuis quelques semaines sur leur site Internet d’en créer votre propre version digitale rien qu’à vous. Pas juste de changer l’ordre des chansons comme peuvent très bien s’en charger chaînes hi-fi et iPod. Mais en écoutant des extraits, de sélectionner 10 titres sur les 20 proposés et de les agencer. Kaiser Chiefs offre même la possibilité de designer la pochette à partir de 10 éléments existants comme un arrêt de bus, une cabine de téléphone ou un appareil photo…

 » L’idée, c’est de montrer aux gens la valeur de notre travail. Je ne parle pas en tant que membre de Kaiser Chiefs mais en tant que musicien, explique le sympathique meneur de jeu Ricky Wilson. La plupart des mecs de l’industrie tentent de lutter contre le piratage en rendant la musique la moins chère possible. Ce n’est pas la solution. Nous n’en voulons pas à votre argent. Nous ne sommes pas cupides. Nous voulons que les auditeurs s’investissent. Le pognon est une bonne façon de commencer (rires) mais il est symbolique. Nous voulons qu’ils investissent du temps, de l’énergie, de la créativité. Qu’ils s’engagent comme quand ils allaient acheter un disque en magasin. Vous vous souvenez des magasins? Quand on devait choisir entre Blur et Oasis parce qu’on n’avait pas assez de pognon pour se payer les 2.  »

« On ne sait pas rouler…  »

 » On a réfléchi à la situation du disque et on était un peu démotivés à l’idée d’enregistrer un nouvel album, avoue le bassiste Simon Rix. Le précédent s’était retrouvé sur Internet 2 ou 3 semaines avant sa sortie. Puis, la musique est tellement facile à se procurer qu’elle a perdu de sa signification. Les gens possèdent des dizaines de milliers de chansons sur leur iTunes mais ils ne les écoutent pas. Ils ne connaissent plus leur discothèque…  »

 » Quelque part, on défend l’idée old school de l’album en faisant réfléchir nos fans au tracklisting. A la manière de construire un disque. Puis en replaçant les chansons au centre de la réflexion« , renchérit le claviériste Nick Baines.

En attendant, « your own Kaiser Chiefs record » a un coût: 8 euros 50. Tout en sachant que le fan inconditionnel déboursera 17 boules pour compter les 20 morceaux dans sa collection. Huit ne figurent d’ailleurs par sur l’album officiel.  » On ne sait pas du tout ce qu’on va en faire. Peut-être les donner à Coldplay« , narguent les Anglais.

Idée de génie ou piège à cons? Dès votre paiement, une boutique en ligne est automatiquement créée à votre nom. Une fois downloadé, « votre » album de Kaiser Chiefs, vous pouvez le commercialiser. Utiliser la plate-forme créée à cet effet et votre statut de star des réseaux sociaux pour le vendre à vos centaines d’amis et empocher une livre par exemplaire écoulé. Plus que le groupe lui-même.

 » Nous avons dressé une liste des avantages et inconvénients de chaque support, dévoile Wilson. On ne sait pas rouler un pétard sur un téléchargement. Un des atouts du CD, c’est qu’on peut le vendre. Alors, on s’est demandé comment on pourrait en faire autant avec la version digitale. La possibilité pour nos fans d’engranger des bénéfices rend l’idée plus forte. La démarche plus tangible.  »

Manifeste du corsaire

Bon d’accord, rien qu’avec leurs cachets de concerts, les Chiefs, qui participeront le 3 juillet à leur 5e Werchter en 6 éditions, ne risquent pas de crever la dalle. En attentant, en 2005, les Anglais vendaient 3 millions d’ Employment, leur premier album. En 2007, malgré le single Ruby, ils ne fourguaient déjà plus que 1 300 000 copies de Yours Truly, Angry Mob. Et l’année d’après, ils se gamélaient avec Off With Their Heads, écoulé à « seulement » 310 000 exemplaires. Bref, Ricky Wilson et ses potes se devaient de réagir.

L’idée aurait germé en avril 2010, dans un fish and chips. Elle semble aussi avoir été inspirée par Le Manifeste du corsaire (The Privateer Manifest), £uvre de l’artiste chicagoan Chris Holmes.

 » Pas plus que les autres, nous n’avons trouvé la solution universelle. Mais nous essayons d’aller de l’avant et espérons inspirer quelques groupes. Les inciter à aller voir les maisons de disques et à tenter quelque chose. J’espère que certains se disent quelque part dans le monde, c’eut été génial si Kaiser Chiefs avait pensé à ceci ou cela… Radiohead et d’autres ont donné certains de leurs disques ou essayé d’y apporter une plus-value… Que ça ait marché ou pas, c’est brillant et génial d’avoir tenté le coup.  » Histoire de rendre le futur peut-être un peu moins médiéval. l

WWW.KAISERCHIEFS.COM LE 03/07 À ROCK WERCHTER.

TEXTE JULIEN BROQUET

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content