JEU DANGEREUX – Conçue pour la télévision, la version longue du Lady Chatterley, de Pascale Ferran, en modifie les accents sans en altérer l’intensité. Remarquable.

De Pascale Ferran, avec Marina Hands, Jean-Louis Coulloc’h, Hyppolite Girardot. 1 h 44 et 1 h 37. Edité par Arte, distribué par Twin Pics.

Adaptant, en 2006, Lady Chatterley et l’homme des bois, seconde version du roman L’Amant de Lady Chatterley, de D.H. Lawrence, la trop rare Pascale Ferran, réalisatrice de L’Age des possibles, signait un film appelé à faire date. Si la transposition à l’écran de ce monument de la littérature britannique pouvait paraître périlleuse, la cinéaste s’en acquittait avec maestria, signant une £uvre à la teneur toute contemporaine aussi inspirée qu’intense. Corollaire non négligeable, cette exemplaire réussite rencontrait plus qu’un succès d’estime. Et fédérait accessoirement les professionnels français du cinéma qui, en lui octroyant 5 Cesar en 2007 (dont celui du meilleur film), signifiaient leur attachement à un cinéma d’auteur que son exigence légitime ne couperait pas pour autant des spectateurs.

L’HISTOIRE D’UNE TRANSFORMATION

Particularité du projet, il fut, dès le départ, conçu en deux versions différentes. A savoir l’une, courte, distribuée dans les salles de cinéma, et l’autre, longue, diffusée en deux épisodes sur Arte, coproductrice du film – version qui est aujourd’hui l’objet de ce DVD. Plus qu’un film d’époque, Lady Chatterley est l’histoire d’une transformation, celle de Constance Chatterley, une jeune aristocrate anglaise dont le mari revient de la Première Guerre mondiale meurtri dans sa chair, le bas du corps irrémédiablement paralysé. Le poids des conventions conjugué à la pesanteur du temps semblent condamner la dévouée Constance à une lente consomption en leur domaine de Wragby. La rencontre avec Parkin, garde-chasse pourtant revêche, révèle la jeune femme à elle-même, en même temps qu’elle la conduit à braver les interdits pour oser un amour libérateur.

Plus longue de 45 minutes, la version télévisée de l’adaptation en modifie légèrement les accents. Elle souligne un peu plus combien la barrière initiale entre les deux amants n’est pas seulement physique mais également sociale. A quoi s’ajoute, suivant l’explication de Pascale Ferran, que cette version « est plus fidèle au roman qui est davantage l’histoire d’un quatuor que celle d’un couple (…) On voit mieux comment la transformation de Constance contamine les autres personnages ».

De fait, le film les associe dans un même élan vers une certaine plénitude. Il est aussi la démonstration de la singularité de la démarche de Pascale Ferran. La cinéaste signe une mise en scène fascinante, dont la sensualité diffuse se double d’un rapport quasi charnel à la nature. Se jouant encore des codes, elle réalise une £uvre d’une exceptionnelle modernité, au-delà même de la figure de Lady Chatterley. Un film remarquable, que complète judicieusement Notre amie Constance, making of d’Arnaud Louvet.

JEAN-FRANçOIS PLUIJGERS

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