Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Dame de cour – Dans la banlieue de Rome, une foraine recueille une fillette abandonnée. Une chronique émouvante révélant sobrement le meilleur de l’humain.

De Tizza Covi et Rainer Frimmel. Avec Patrizia Gerardi, Asia Crippa, Tairo Caroli. 1 h 40. Sortie: 31/03.

Tant de films mettent en scène ce que l’humain peut avoir de pire. Rares sont ceux qui prennent le parti inverse. Parce que, sans aucun doute, la peinture du bien offre moins de couleurs, moins de conflit, moins de drame, que celle du mal et de ses déclinaisons plus ou moins radicales. Parce qu’aussi, tout cinéaste le sait, l’évocation des sentiments positifs appelle inévitablement la tentation de l’émotion facile, du message édifiant, d’un angélisme rarement en prise avec le réel. Le mérite d’une £uvre comme La Pivellina n’en est que plus grand. Cette production italo-autrichienne à tout petit budget s’inscrit dans la grande tradition néo-réaliste transalpine, via ses héritiers… belges, tant l’apport des Dardenne au cinéma contemporain se reflète dans l’approche et la mise en scène naturaliste de Tizza Covi et Rainer Frimmel.

Nous sommes dans la banlieue de Rome. Au pied de grands immeubles HLM, une femme d’âge mûr, les cheveux teints en rouge, appelle vainement un certain Ercole (Hercule). Nous ne savons pas s’il s’agit d’un homme, d’un enfant, ou d’un animal. Mais la dame semble de plus en plus inquiète à mesure qu’elle arpente les allées du parc séparant les bâtiments. Soudain, elle aperçoit une petite fille d’environ 2 ans, seule, dans le coin réservé aux jeux d’enfants. Très vite, il apparaît que la petite a été laissée là. Patty en oublie Ercole (nous apprendrons plus tard qu’il s’agit d’un chien), et ramène l’enfant chez elle. Avec son mari Walter, artiste de cirque comme elle, la femme aux cheveux rouges vit dans une caravane, aux confins d’un camping où habitent d’autres défavorisés. Avec l’aide de Tairo, un adolescent qui loge dans un camping car voisin, Patty va entreprendre de s’occuper de celle qui dit s’appeler « Aya » (Asia, sans doute), et de retrouver sa maman. Prévenir les autorités, leur remettre la gamine, comme le conseille Walter, n’est pas une option pour cette femme généreuse autant que têtue, qui s’est très vite attachée à l’enfant.

Eloge de la bonté

La caméra chevillée aux êtres de Covi et Frimmel n’est pas sans rappeler la manière Dardenne. L’immersion sans jugement dans le milieu des protagonistes et le sujet mêlant pauvreté, dignité et enfance, s’inscrit d’évidence dans la ligne néo-réaliste italienne. Le point de départ de La Pivellina a été trouvé dans des récits authentiques, des événements réellement vécus et ensuite scénarisés. Sur fond de vrai problème social (les abandons d’enfants, de bébés, sont nombreux en Italie, disent les coréalisateurs du film), le récit ou plutôt la chronique du bout de chemin fait par Patty et Asia nous parle du sentiment maternel, du tissage de liens humains, de la solidarité chez les démunis, et même aussi, beaucoup, de la bonté. Patrizia Gerardi (magnifique) évoque irrésistiblement la grande Anna Magnani, le milieu des gens du cirque rappelle Fellini, et les décors choisis dans la banlieue romaine les premiers films de Pasolini. Des échos précieux, qui n’enlèvent rien à la petite musique personnelle que fait entendre une £uvre prenante, distillant une émotion d’autant plus profonde qu’elle émerge sobrement, sans insistance aucune.

Retrouvez toute l’actualité cinéma commentée par Jean-François Pluijgers, chaque mercredi à 8 h 30, sur Musiq3.

Louis Danvers

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