DEVANT LA CAMÉRA DE DAVID CRONENBERG, HOLLYWOOD, L’USINE À RÊVES, SE TRANSFORME EN FABRIQUE À CAUCHEMARS.

Maps to the Stars

DE DAVID CRONENBERG. AVEC JULIANNE MOORE, MIA WASIKOWSKA, JOHN CUSACK. 1 H 48. DIST: TWIN PICS.

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A l’image de ses films, d’une précision toute clinique, David Cronenberg a le sens du mot juste et de la formule qui fait mouche. Ainsi, dans les bonus de ce DVD, où il évoque, au sujet de Los Angeles et de Hollywood, quelque plante carnivore ou autre planète dotée d’une gravité écrasante -de celles dont la force attraction ne laisse nulle échappatoire. Soit exactement le processus à l’oeuvre dans Maps to the Stars.

Pour son premier tournage américain, le réalisateur canadien s’est appuyé sur un scénario de Bruce Wagner, romancier du cru, l’auteur notamment de Toujours L.A. Et de suivre les allées et venues (ou déconvenues) d’une galerie de personnages aux allures d’archétypes hollywoodiens: il y a là Havana Segrand (Julianne Moore), une actrice vieillisante courant après sa gloire passée, si ce n’est après le fantôme de sa mère (Sarah Gadon), star d’antan disparue dans des circonstances tragiques; Stafford Weiss (John Cusack), son coach et gourou du développement personnel; Benjie (Evan Bird), fils du précédent, et enfant-star imbuvable couvé par sa mère (Olivia Williams) au motif qu’il y a là une entreprise plus que rentable. Et puis, ceux qui gravitent autour, comme Jérôme (Robert Pattinson), chauffeur de limo et aspirant acteur, ou Agatha (Mia Wasikowska), jeune femme énigmatique faisant le lien entre les uns et les autres, lancés, en rangs désordonnés, à la conquête de chimères…

Histoire d’une famille à la dérive, Maps to the Stars est aussi le portrait du microcosme hollywoodien, et par extension, celui de « n’importe quelle industrie où les gens recherchent des choses extérieures pour obtenir une vie intérieure », comme l’observe Julianne Moore en bonus. Puisqu’il s’agit d’un film de David Cronenberg, on n’est guère surpris, à vrai dire, de voir l’usine à rêves se transformer en fabrique à cauchemars, le cinéaste semblant envisager Hollywood comme un grand corps malade et monstrueux dont il entreprendrait la dissection, pour mieux en explorer les cicatrices intérieures. Passablement déjanté, le film qui en résulte est aussi drôle et fascinant: c’est là la peinture acide d’une communauté incestueuse, passée au vernis d’un cynisme grinçant et d’un humour particulièrement tranchant. Si le sentiment de superficialité, raccord du reste avec l’univers abordé, ne se dissipe pas totalement sur la durée, Cronenberg met en scène ce petit monde avec son brio habituel, le propos étant par ailleurs relevé de divers morceaux d’anthologie proprement jubilatoires. Il faut voir ainsi Julianne Moore céder à l’euphorie à l’annonce de la tragédie vécue par une rivale, circonstance lui assurant un rôle avidement convoité, et point d’orgue d’une prestation sur le fil lui ayant valu le prix d’interprétation au dernier festival de Cannes.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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