IL PRÉSIDAIT, SAMEDI PASSÉ, LA 2E ÉDITION DES MAGRITTE. TAILLAGE DE BAVETTE AVEC BERTRAND TAVERNIER, ENCYCLOPÉDIE VIVANTE DU 7E ART, PARTICULIÈREMENT SENSIBLE AU CINÉMA DU PLAT PAYS.

Avec sa faconde, son verbe généreux, sa propension à laisser ses phrases inachevées, comme en suspens, à répéter certains mots 3 fois et à trouver les gens et les choses invariablement formidables, Bertrand Tavernier, Tatave pour les intimes, a tout d’un vrai personnage de BD, ultra expressif, passionné, haut en couleur, comme on en trouve dans les albums de Christophe Blain. Sur lequel il est d’ailleurs intarissable puisqu’il travaille actuellement en sa compagnie, ainsi qu’avec le scénariste Lanzac, sur une adaptation de sa série Quai d’Orsay, plongée agitée, drolatique, dans les coulisses du ministère français des Affaires étrangères.  » On a fini le scénario et on est très contents. On a travaillé dans un climat de passion et de rigolade, mais alors qu’est-ce qu’on a bossé! On s’arrêtait, on regardait l’heure, il était 3 heures et demie du matin… Il a été écrit en une douzaine de jours, faut dire que j’étais arrivé avec plein plein plein de notes mais on a été… Ça marchait du tonnerre de Zeus! Et voilà, ça va être pour cet été. On s’est surtout inspirés du 1er album. On est très fidèles à l’histoire mais pas complètement à la… On a bousculé un peu la construction. Mais moi je voulais garder… Y a des tas de choses que je voulais garder parce que je trouvais ça très très très bien écrit. Très bien écrit, et j’ai une passion pour Blain, et j’avais une passion pour ce scénario, j’ai une passion pour le dessin de Blain, je trouve que c’est un dessinateur… Son livre sur Alain Passard, c’est formidable! » Le tout lâché dans une grande coulée d’enthousiasme exalté.

Local et universel

Mais pour l’heure, son enthousiasme, le cinéaste, 70 ans, le réserve tout particulièrement à ses confrères du plat pays, lui qui présidait, samedi passé, la 2e édition des Magritte du cinéma belge.  » J’ai pris ça comme un geste de courtoisie. J’ai accepté avec d’autant plus de plaisir que j’ai beaucoup d’admiration pour des réalisateurs dont les films figuraient au rang des nominations. » Il faut dire aussi que les récompenses, le réalisateur de L’Horloger de Saint-Paul, d’ Un dimanche à lacampagne, de La Passion Béatrice ou encore de L’Appât, ça le connaît, lui qui les a collectionnées des 2 côtés de l’Atlantique…  » Les prix, il faut les prendre pour… C’est bien, mais il ne faut pas non plus en faire une religion. Moi il y en a qui m’ont fait plaisir. Comme celui de la mise en scène à Cannes, ou le César pour la réalisation de Capitaine Conan , ou le John Huston Award qui m’avait été remis par Scorsese. Il y a des pays où ça dope vraiment une carrière: quand j’ai eu une nomination aux Oscars pour Coup de torchon , pendant très longtemps dans la presse américaine ils ont mis « Oscar nominated » à côté de mon nom. Il ne faut pas pour autant faire du cinéma pour avoir des prix. Et puis il y a toujours une part d’erreur, d’injustice, d’oubli, qui fait que de très très très grands cinéastes ne reçoivent jamais rien.  »

On ne sait si le réalisateur rangera le peu compréhensible snobisme dont a été victime Le Gamin au vélo des frères Dardenne, samedi passé, dans la catégorie de ces déplorables iniquités, Tavernier préférant profiter de sa tribune pour insister sur cette capacité typiquement noire jaune rouge à transcender une matière à dimension locale pour atteindre à une portée toute universelle.  » Je me suis récemment retrouvé à un dîner avec le metteur en scène de S£ur Sourire et Jaco Van Dormael. L’idée étant de discuter avec des parlementaires européens sur comment arriver à protéger une notion de culture, ne pas transformer la culture en simple marchandise. Il faut se battre pour tout ce qui est local. Le cinéma belge est un cinéma local. Mais quand il y a du talent, tout ce qui est local peut devenir universel. Regardez les films des frères Dardenne: ils sont exportés dans le monde entier. Et Jaco le héros aussi.  »

Lancez-le sur son amour tout cinéphile pour le 7e art belge, et voilà que la machine Tavernier s’emballe à nouveau…  » C’est un attachement qui est évident devant le talent de certains cinéastes. Ce serait fou de… Et ça ne date pas d’aujourd’hui! Il y a eu des documentaristes belges qui ont joué un rôle très important, Henri Storck tout ça, des gens qui ont marqué l’histoire du cinéma. Et puis récemment il y a eu ce renouveau, avec des gens comme Joachim Lafosse, Bouli Lanners… Le nombre de films… Des films d’un humour, les films de Benoît Mariage… C’est arrivé près de chez vous , qui a marqué les esprits… Des acteurs… Alors moi j’ai côtoyé beaucoup de gens. J’ai travaillé avec Marie Gillain, pour qui j’ai vraiment vraiment vraiment beaucoup d’admiration, d’estime. Elle est magnifique dans le dernier Lioret! J’ai voté pour elle aux César. Elle est splendide, lumineuse, belle, forte, elle tient tout le film sur les épaules. Elle est formidable formidable formidable, Marie. Olivier Gourmet est génial dans L’Exercice de l’Etat , génial génial génial, moi je n’ai travaillé qu’une fois avec lui, mais c’est un de mes grands souvenirs. Pour Laissez-passer , où il était bidonnant. Il jouait ce producteur qui ne parvenait pas à dire une seule phrase qui ait un sens. Du style: « Le cinéma c’est le rêve, et le rêve n’a pas de mappemonde! » » A croire que l’enthousiasme de Bertrand Tavernier non plus. l

ENTRETIEN NICOLAS CLÉMENT

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