Guiding Light, le soap opera le plus endurant de l’histoire cathodique, tire sa révérence, faute d’audience. La fin d’une époque.

C’est ce qu’il convient d’appeler une institution, à tout le moins. Lancé en 1937 sur la radio NBC, puis adapté pour le petit écran dès 1952 par CBS, Guiding Light affiche aujourd’hui quelque 15 750 épisodes au compteur (!). Un record, cela va sans dire, répertorié comme il se doit dans le Guinness Book. Peu connue chez nous(1), la série, qui a notamment vu des acteurs comme Kevin Bacon, Calista Flockhart ( Ally McBeal) ou Hayden Panettiere (la cheerleader de Heroes) y faire leurs classes, a accompagné le parcours de plusieurs générations d’Américains, biberonnés aux interminables histoires d’amours, d’amitiés et de rivalités animant une poignée de familles dans la ville fictive de Springfield. On imagine dès lors très bien le choc ressenti par les plus accros d’entre eux lors de l’annonce de l’annulation du show, dont l’ultime épisode est programmé par CBS ce vendredi 18 septembre. Protestations et pétitions se multiplient ainsi sur la toile. Peine perdue, semble-t-il, certaines réalités économiques pesant largement plus lourd dans la balance que l’attachement énamouré de fans fidèles. Les audiences de Guiding Light n’ont en effet pas cessé de dégringoler ces dernières années, tandis que ses spectateurs ont aujourd’hui en moyenne 56 ans, une tranche d’âge peu prisée par les annonceurs.

Desperate Housewives

A vrai dire, la plupart des vieux soaps operas auraient sans doute disparu depuis longtemps s’ils n’avaient pas été produits, plutôt que par les chaînes elles-mêmes, par des compagnies spécialisées dans la vente de savon (« soap » en anglais) ou autres produits de nettoyage comme Procter & Gamble. En effet, ces feuilletons à rallonge étaient à l’époque essentiellement suivis durant la journée par des millions de femmes au foyer. Aujourd’hui, le pourcentage de femmes actives a grimpé en flèche tandis que l’offre télévisuelle s’est étendue aux talk shows et autres reality shows plus catchy et surtout beaucoup moins coûteux à produire.

Au-delà de leur simple fonction tire-larmes, il ne faut pas oublier que les soaps ont bien souvent été les premiers à confronter les classes populaires à des thèmes de société sensibles et controversés comme, au hasard, le divorce, l’homosexualité ou l’après-Vietnam. Si cette pertinence s’est quelque peu émoussée au fil du temps, la mort de ces feuilletons n’en confirme pas moins une tendance bien réelle: la disparition progressive d’une écriture axée autour d’une histoire au long cours, sans cesse relancée et réinventée à grand renfort d’infinis rebondissements, au profit de séries aux épisodes interchangeables et bouclant quasi systématiquement leur mini intrigue en 42 minutes chrono ( Les Experts, Bones, Numb3rs, Dr House, etc.). Plus facilement consommable – ouh le vilain mot… -, voilà un type de productions qui ne manque pas, en tout cas, d’engager la fiction télévisée sur une pente que l’on ne saurait mieux qualifier que de savonneuse…

(1) Sous les titres Haine et Passion ou Les Vertiges de la Passion.

DE NICOLAS CLément

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