MAURO PAWLOWSKI MULTIPLIE LES CASQUETTES, DE DEUS À HITSVILLE DRUNKS EN PASSANT PAR GRUPPO DI PAWLOWSKI. CET ASSOIFFÉ DE MUSIQUE SERA EN CONCERT AVEC FOCUS AU NATIONA(A)L POP-UP STORE CE 13 MAI.

Bozar, le 21 février dernier. A peine ouverte la prestigieuse expo du peintre gantois Michaël Borremans que plusieurs centaines de personnes, conviées au vernissage, montent les marches vers les salles promises. Sur l’escalier, trois musiciens se lancent alors dans une impro rock. A la guitare, Mauro, les yeux collés à l’instrument, la voix gobant le micro, semble indifférent au public de circonstance qui le croise sur le chemin du Graal de peinture. Les notes filent, suaves et brumeuses, un peu cassées aussi. Le truc est plus proche de la performance que du concert conditionné. Une improvisation. « Un moment parti à jamais, c’est comme vouloir attraper un fantôme. Il faut des années avant de pouvoir improviser, en-dehors des solos je veux dire. Mais j’essaie toujours de transformer les circonstances en espace de jeu. » Trois semaines après cette étrange vision, on fait face à Mauro, dans un antédiluvien café de Bruxelles. Casque de cheveux noirs -avec pointe cendrée-, costard discret et demi-sourire, l’oiseau a peu dormi. Une soirée vinicole et une fille de deux ans qui braille à six heures du mat: le café serré est de mise. Pas que les nuits sans sommeil standard soient nouvelles: « J’aime me promener dans les villes, notamment quand je suis en tournée avec dEUS. Je me perds toujours et je m’endors n’importe où, je suis quasi narcoleptique. Une fois, je me suis retrouvé à pieuter dans une église, à Florence, je n’avais pas la moindre idée d’où se trouvait l’hôtel. Si j’étais riche, j’achèterais des villes et j’interdirais aux gens de sortir avant une certaine heure. » En attendant qu’il ne devienne dictateur, Mauro voyage, même s’il ne parle pas plus l’italien de maman que le polonais de papa, ses doubles racines de petit-fils d’immigré au Limbourg dans les mines de charbon. Son côté casanier en famille, avec girlfriend et progéniture, il le vit à Berchem (Anvers) où il lui arrive donc de revisiter le bar perso, comme ce fut le cas la veille, en compagnie du chanteur de Dez Mona en l’occurrence. « Je ne suis pas du genre à crier ou à sauter si je ne suis pas payé pour cela (sourire). »

Cerveau reptilien

Alors que le groupe mené par Tom Barman trimballe toujours, deux décennies après ses débuts, une image arty, Mauro, entré chez dEUS fin 2004, s’en fout. Assume une ribambelle d’artistes ayant saupoudré de fantasmes et de décibels son parcours. Pêle-mêle: Black Sabbath, Deep Purple, Xenakis, Albert Ayler, Throbbing Gristle, Front 242, TC Matic, James Brown, Blue Öyster Cult, le métal, Fleetwood Mac,Nick Lowe et même Eddie Van Halen, guitariste du fameux groupe à gros cheveux. Une partie de ces influences, celles des années 70 en particulier -rajoutez Sparks-, est digérée dans l’album éponyme d’Hitsville Drunks, paru en janvier. « Du vintage power pop »,précise-t-il. Le nouveau disque qui sert de prétexte à la charmante rencontre du jour, celui de Gruppo Di Pawlowski (lire critique dans le Focus du 4 avril), est plus charnu, cru, rappelant le barbelé-blues de Captain Beefheart, mais pas la peine de venir avec vos lubies underground. Bien qu’ayant dévoré livres et disques de la bibliothèque de son village d’enfance -Koersel, Limbourg-, Mauro « aime tous les genres: j’écoute Classic 21 et je ne me suis jamais senti faire partie de la sous-culture, je ne veux pas m’exprimer par le délire de la peur urbaine (sic). Et d’ailleurs, appartenir à un seul groupe me semble être extrêmement ennuyeux: je ne sais même pas dans combien de formations je joue (sourire) (citons encore The Love Substitutes, Radical Slave et Usual Suspects, ndlr). Je n’ai jamais été un rebelle, je n’ai pas un seul gène de ce genre en moi. » Pourtant, lorsque Pawlowski junior arrive à Anvers de son Limbourg natal en 1988 -il a 17 ans-, il s’emberlificote d’emblée avec des explorateurs à la Rudy Trouvé, futur dEUS. « J’ai toujours aimé la musique expérimentale »,précise-t-il, question sans doute de chiffonner encore un peu le puzzle d’un parcours d’abord marqué par l’envie. « J’aime aussi le métal: au plus c’est agressif, au mieux c’est. J’adore le bruit, c’est mon essence: la musique offensive me calme, au plus profond de moi-même. Comme le fait de simplement boire une bière: d’ailleurs, si à 100 ans, je peux encore bouger mon bras et soulever un verre, je ne me plaindrai pas (sourire). »Celui qui, en 2005, finit à la 337e place (!) de De Grootste Belg est clairement un workaholic, même s’il sème les pistes en arborant une placidité d’autant plus convaincante que son allure mi-beatnik, mi-acteur italien seventies, n’est pas celle d’un forçat dingue de travail. « Je crois que je devrais encore enregistrer davantage de disques, genre un album par mois, ou sortir maintenant l’équivalent d’un box de musique. Ce qui me permettrait de parler davantage: de temps à autre, j’aime être un grand parleur. Quand j’étais gosse, je n’ai parlé qu’italien et polonais jusqu’à l’âge de quatre ans, sans un mot de néerlandais. Mon cerveau reptilien est trop petit: je suis capable de donner le titre de la deuxième plage du troisième album de Blue Öyster Cult mais peut-être pas de me rappeler le nom du type que je viens de rencontrer. »

FOCUS VOUS OFFRE DES PLACES POUR LE CONCERT DE MAURO PAWLOWSKI LE 13 MAI AU NATIONA(A)L POP-UP STORE À BRUXELLES. LIRE LES DÉTAILS DU CONCOURS EN PAGE 10.

TEXTE ET PHOTO Philippe Cornet

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