Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

À LA NOUVELLE-ORLÉANS, L’AMÉRICANO-HAÏTIENNE LEYLA MCCALLA RAPPROCHE SES RACINES CRÉOLES ET CAJUNS SUR UN SPLENDIDE DEUXIÈME ALBUM DE FOLK BLUES ENSOLEILLÉ.

Leyla McCalla

« A Day for the Hunter, a Day for the Prey »

DISTRIBUÉ PAR PIAS.

8

Venu d’un proverbe haïtien, A Day for the Hunter, a Day for the Prey (« Un jour pour le chasseur, un jour pour la proie ») est le titre d’un ouvrage de l’ethnomusicologue, musicien et professeur à la New York University Gage Averill. Un essai (qui a passionné Leyla McCalla) sur la musique populaire, le pouvoir et la politique dans ce qui reste le seul pays francophone indépendant des Caraïbes. Bourlingueuse, Leyla est née à New York de parents haïtiens fuyant la dictature. Elle a passé ses jeunes années dans une banlieue du New Jersey, une partie de son adolescence à Accra, au Ghana et s’est rapprochée de ses racines en emménageant en 2010 à La Nouvelle-Orléans, fatiguée de se battre à Brooklyn pour pouvoir payer son loyer.

Comme son prédécesseur, Vari-Colored Songs, a Tribute to Langston Hugues sur lequel elle mettait en musique des poèmes de celui qui fut la voix des prolétaires noirs de Harlem, reprenait des chansons folkloriques haïtiennes et gratifiait de quelques compositions maison, ce deuxième album explore les thèmes de la justice sociale et de la conscience panafricaine. En anglais, en français comme en créole haïtien, la jeune maman réarrange des titres traditionnels et propose une poignée de morceaux originaux. La violoncelliste, qui joue de la guitare et du banjo, s’est aussi mise au triangle et est partie à la rencontre de musique cajun. Comme les disques d’un Pokey LaFarge et d’un C.W. Stoneking, son folk country blues teinté de couleurs créoles fait voyager dans le temps, chausser des bottes de cow-boy (Les Plats sont tous mis sur la table, Bluerunner) et cramer sur les plages de Port-au-Prince…

Folk du bayou

Leyla, qui s’est fait repérer par un producteur/manager dans la rue alors qu’elle interprétait des suites de Bach, a enregistré son disque au Dockside Studio, à Maurice (paroisse de Vermilion). Un endroit idyllique avec une piscine et des bateaux, au bord du bayou, qu’elle a découvert en jouant les chauffeurs pour Spider Stacy de The Pogues qui devait y travailler avec l’un de ses amis, Louis Michot, sur un projet celto-cajun. Michot, musicien des Lost Bayou Ramblers, figure au casting de A Day for the Hunter, a Day for the Prey. Comme Rhiannon Giddens des Carolina Chocolate Drops avec qui Leyla a appris le métier, la Néo-Orléanaise Sarah Quintana ou encore le guitariste Marc Ribot.

La musique chez Leyla est une affaire de famille à laquelle appartient désormais son mari le Québécois Daniel Tremblay. Avec banjo, accordéon, cornet, fiddle et triangle, d’une voix à la fois chaude et poussiéreuse d’aujourd’hui et d’un autre temps, la violoncelliste/guitariste du soleil revisite le Little Sparrow de Devendra Banhart, berce de chansons engagées et fait danser dans les saloons. Une petite pépite, inspirée des boat people qui chantaient les peurs de leurs dangereux voyages en mer, tamisée dans les méandres du Mississippi.

JULIEN BROQUET

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