Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Figure rosse – Le premier album solo du leader de Sigur Rós mitraille le bon goût liturgique des Islandais dans un grand raout sonore à la fois « sombre » et jouissif.

« Go »

Distribué par EMI.

« Au départ, cela devait être un disque acoustique, mais en chemin, les choses ont changé, je ne sais trop pourquoi. Ce qui est sûr, c’est que depuis 10 ans, j’accumule des chansons qui ne vont pas à Sigur Rós, et là, j’avais besoin de les faire sortir. Comme une nécessité impériale d’aller aux toilettes. » Jónsi, 35 ans, maigre et affublé d’un £il droit en ballade, boit un breuvage indéfini -« du sang »- 2 heures avant une prestation live à la VRT. Son prochain concert de l’AB a été complet en une heure, signe d’une attente bouillante du public. Pourtant, ni les fans hardcore de son groupe planant, ni les amateurs du disque évaporé sorti par Jónsi et son amant en juillet 2009 ( Jónsi And Alex) ne retrouveront forcément leur trip dans ce solo. A part peut-être dans Hengilas, tranche de spleen boréal où les claviers magnétiques jouent à la marée montante:  » C’est peut-être le morceau que j’emporterais sur une île déserte, il parle d’une sorte de relation (sic). Le thème récurrent du disque est le refus de la peur. Chez moi, je n’ai ni télé, ni radio et pour l’album, je me suis volontairement privé d’informations, de ce quotidien morbide, pas de crash financier, pas de négativité! » En même temps, Jónsi dit volontiers que Go traque des zones sombres, sans doute davantage dans les textes que dans la musique. Celle-ci carillonne de mille pistes imbriquées amoureusement, formant un millefeuille sonore pour communion ou mariage festif, plutôt que pour enterrement. L’effet est saisissant, jouissif, boulimique: des titres comme Animal Arithmetic ou Go Do semblent avoir été construits pour des danseurs dopés à la molécule du bonheur. On est emporté dans un flot qui s’annonce triomphal, peut-être comme cette Islande insubmersible:  » On se relève de la crise, même si des gens sont sans travail, sans maison, j’espère qu’on va moins consommer. Parce que la consommation, c’est comme les sourcils (…) , quand il y en a trop, c’est pas beau. »

Sous-marin

Parfois aussi, Jónsi en fait trop, se laissant noyer sous d’invraisemblables couches d’instruments montées en Chantilly, multipliant les pistes  » qui pouvaient aller jusqu’à cent cinquante… » D’où l’impression de frôler la pompe prog rock seventies à la Yes sur Boy Lilikoi ou l’intro de Around Us, d’autant que Jónsi a le même type de larynx que Jon Anderson, un falsetto grimpeur défiant les octaves.  » Mais je n’ai jamais écouté Yes, se défend-il, interloqué, quand j’étais petit, j’écoutais les Beatles. » On préfère donc quand il revient à des terres moins sauvages, retrouvant dans le piano et cette voix pointue, la grandeur surnaturelle propre à Sigur Rós. Elevé dans une famille luthérienne, Jónsi se définit comme  » vraiment spirituel, écoutant ses instincts, persuadé que fabriquer un livre, un disque, une peinture, donne un peu de sens à ce monde. » Et cette musique tellurique, aussi secouée que la Terre, quel est le meilleur endroit pour l’écouter? Le coco réfléchit un instant et décide que « sous l’eau » lui semble l’emplacement rêvé pour une telle rencontre. l

www.jonsi.com

Philippe Cornet

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