Le 11 février 2009, Joaquin Phoenix créait l’événement lors du David Letterman show, en annonçant à son hôte médusé qu’il renonçait au métier d’acteur pour se lancer dans le hip hop. A quatre ans de distance, le canular -puisque c’en était un, devant servir le documentaire I’m Still Here, réalisé par Casey Affleck- tient du happening fendard. Le visage mangé par une barbe touffue, et le regard masqué par des lunettes de soleil, l’acteur s’exprime par monosyllabes lorsqu’il ne marmonne pas des réponses inintelligibles, tandis que Letterman, en pro insubmersible, s’emploie, à garder une certaine contenance. Mais sur le moment, la stupeur le disputa à la colère -celle de James Gray, en particulier, furieux d’être lâché par son comédien fétiche pendant la promotion de Two Lovers. Un épisode sur lequel il revenait lors du dernier festival de Marrakech. « Je vais être honnête, j’étais très fâché. Ce qu’il fait m’est relativement égal, mais si j’étais à ce point remonté, c’est parce cela s’est produit au détriment de la tournée promotionnelle du film que nous avions tourné. Et du coup, il n’y pas eu de discussions autour de Two Lovers, même s’il a été plutôt bien reçu aux Etats-Unis. Il s’en est excusé après coup, et j’ai décidé de tourner la page. C’est un acteur brillant, on ne vas pas s’appesantir sur le reste.  » Phoenix est d’ailleurs de Lowlife, le prochain film du réalisateur.

Depuis qu’on le découvrit, en 1995, manipulé par Nicole Kidman dans le To Die For de Gus Van Sant, le comédien n’a cessé d’irradier, de films indépendants en productions hollywoodiennes. On a rarement vu acteur d’une telle intensité en effet, constat vérifié du U-Turn de Oliver Stone à The Yards de James Gray; du Gladiator de Ridley Scott aux Signs de Night M. Shyamalan, et l’on en passe, jusqu’au Walk The Line, de James Mangold, où il réussissait la gageure d’incarner Johnny Cash à la note près. Gray, qui devait alors le retrouver coup sur coup pour We Own the Night et Two Lovers, observe encore: « Pour moi, Joaquin a clairement franchi un palier entre The Yards et We Own the Night. C’est là qu’il a fait un bond, et depuis, j’ai constaté un dévouement à son travail tout bonnement impressionnant. »

« J’ai toujours considéré Joaquin comme l’un des jeunes acteurs les plus excitants, si pas le plus excitant », renchérit Paul Thomas Anderson. Un Anderson à ce point convaincu de son talent qu’il n’a pas tenu rigueur à Phoenix de lui avoir opposé deux refus, pour Boogie Nights et There Will Be Blood, avant de finalement jouer dans The Master. « Travailler avec Joaquin est palpitant. Il est fort imprévisible, dans le bon sens du terme, et incroyablement inventif. Même s’il vous a déjà donné quelque chose de formidable, il va vouloir, explorer une autre voie, pour essayer de trouver mieux encore. C’est le genre d’acteur pour qui il faut éclairer toute la pièce, parce que parfois, on ne sait pas où il va aller. » Ce n’est pas Letterman qui démentira…

J.F. PL.

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