Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Joanna Hellgren en a fini avec Frances. Depuis six ans, la vie de cette petite fille accompagne la sienne. Frances, petite Suédoise recueillie par sa tante Ada à la mort de son père, dans le Stockholm des années 30. La découverte d’une grande ville, d’un milieu social, d’individus et d’une famille qui jusqu’alors n’étaient pas les siens. Le tout traité au crayon noir, dans des ambiances vaporeuses et oniriques que beaucoup qualifieraient d’expérimentales. Pas elle:  » Le traitement peut sembler expérimental en bande dessinée, mais il ne le serait pas dans la littérature ou au cinéma. Frances commence au contraire comme un livre pour enfants assez classique: l’orpheline, la tante qui ne la comprend pas… Le deuxième volume tient plus du roman prolétaire. Le troisième, je ne sais pas. C’est la fin, où tout s’explique. Et je crois que sur elle, j’ai tout dit. »

Poids de la famille et des préjugés, statut des femmes, difficulté de vivre ses propres choix et de trouver sa place dans la succession des générations… Les thèmes de Frances sont profonds et traités avec une subtilité saluée par tous, étonnante pour une jeune trentenaire. Mais n’allez pas y voir pour autant des extraits de sa propre jeunesse; celle de Joanna fut  » très heureuse! Ce sont plutôt les moments joyeux de Frances qui proviennent de ma vie. Et nous avons en commun ce besoin d’observation. Je suis toujours en train de réfléchir! » Pas de hasard par contre si sa trilogie se construit autour d’une enfant et d’une dame âgée:  » Le thème qui m’habite, plus que la famille, ce sont les enfants et les vieux. Peut-être parce que les enfants et les vieux me rendent nerveuse. Avec eux, j’ai souvent le sentiment d’être stupide. Ils ont le temps de réfléchir, à côté de tous ces gens, adultes, qui courent dans tous les sens et qui ont tendance à ne pas considérer l’avis des enfants et des personnes âgées…  »

Entre Suède et France

Formée -et ça se voit- à l’Ecole supérieure d’arts de Stockholm, Joanna Hellgren s’est d’abord fait remarquer pour ses illustrations, mais c’est la France qui lui ouvrira les portes de la bande dessinée. Débarquée à Paris en 2004 à l’occasion du programme Erasmus, elle y restera deux ans, le temps d’y apprendre le français et de voir sa page MySpace remarquée par l’éditeur Cambourakis. Depuis, elle se partage entre les deux pays, et les deux influences. Une double culture qui lui a aussi permis de connaître Dominique A.  » Nous nous sommes rencontrés en 2009. J’étais invitée à un festival, avec Anouk Ricard et Gabriella Giandelli, pour mettre ses histoires en dessin. Sa musique avait un sens très profond pour beaucoup de gens. Ce n’est pas étonnant. Il y a chez lui une grande sensibilité, sombre, qui touche. J’ai beaucoup écouté son album La Musique . Il y a maintenant des quartiers de Stockholm ou j’entends toujours Immortels, Le sens et Nanortalik . Nous avons définitivement en commun une même envie de raconter. »

Frances, épisode 3, éditions Cambourakis, 160 pages. ****

OLIVIER VAN VAERENBERGH

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