Jimmy joue free

Philippe Elhem
Philippe Elhem Journaliste jazz

RÉÉDITION DE DEUX CONCERTS DONNÉS EN ALLEMAGNE EN 1961 PAR LE TRIO DE JIMMY GIUFFRE DANS UN (DOUBLE) CD AUGMENTÉ DE SIX INÉDITS (ET DEUX BONUS).

Jimmy Giuffre Trio (with Paul Bley & Steve Swallow)

« Bremen & Stuttgart 1961 »

EMANEM 5208 (WWW.EMANEMDISC.COM)

10

Clarinettiste, saxophoniste soprano, ténor et baryton doublé d’un compositeur et d’un arrangeur de big band (The Woody Herman’s Second Herd dont il fit partie de la section de saxophones et pour lequel il composa The Four Brothers) comme de petites formations (le quintette du trompettiste Shorty Rogers), Jimmy Giuffre est à la fois une des grandes figures du cool des années 50 façon West Coast, l’inventeur d’une forme de folk jazz anticipant de trois décennies la world music à venir et, parallèlement au Modern Jazz Quartet, l’un des initiateurs du third stream, courant qui voulait marier le jazz et la musique classique en introduisant le contrepoint et la fugue dans l’idiome afro-américain. Enfin, il est l’un des tout premiers musiciens de jazz à diriger de petites formations sans percussions ni (parfois) piano.

La plus stupéfiante des contributions de Giuffre à son art reste toutefois, dès 1960, sa plongée tête la première dans le free jazz qu’il va tirer vers l’atonalité et l’introspection avec le plus original de ses trios sans batterie. Secondé par deux jeunes musiciens qui laisseront eux-mêmes une marque indélébile dans l’histoire du jazz (le pianiste canadien déjà expérimenté Paul Bley et le contrebassiste Steve Swallow), Giuffre va publier trois splendides albums sur les labels Verve (Fusion puis Thesis, réédités en 1992 par ECM dans un double album intitulé 1961, soitl’année de leur parution) et Columbia (Free Fall, 1962) dans lesquels le leader joue uniquement de la clarinette. Malheureusement, l’insuccès d’une aventure trop en avance sur son temps provoquera leur séparation l’année de la sortie de leur dernier disque. Par la suite, la carrière de Giuffre périclitera, l’amenant à abandonner la scène pour l’enseignement. Même s’il enregistre à nouveau au début des années 70, il lui faudra attendre la fin de la décennie suivante pour que soient reconnues, à leur juste valeur, ses expérimentations avant-gardistes et qu’il puisse, avec ses partenaires originaux, ressusciter l’historique combo.

Mais avant de se dissoudre, le trio effectuera en 1961 une tournée européenne dont deux concerts ont été captés par les radios régionales allemandes. C’est cette matière précieuse que contient le double album publié par Emanem (et qui succède à une première édition, baptisée Flight & Emphasis et désormais épuisée, sortie sur hatOLOGY en 2003). Cette nouvelle parution n’est toutefois pas identique à la précitée puisqu’elle rétablit la totalité des introductions de Giuffre lors des concerts et ajoute, dans le premier CD, trois titres (Jesus Maria, Carla et Venture) et, dans le second, trois duos piano/basse (Ba-lue Bolivar Ba-Lues-Are, I Can’t Get Started, Compassion For P.B. ), tous inédits et tous issus du concert donné à Brême, que complètent à la fin du second CD deux titres qu’ECM avait laissés de côté dans 1961, Trudgin’ et Used to Be, le premier restauré grâce à un habile montage.

PHILIPPE ELHEM

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