Jeune Afrique

Sur Mother Nature, l’icône Angélique Kidjo mélange traditions et sonorités modernes, invitant à ses côtés la nouvelle génération de pop stars africaines.

Au fil d’une carrière étalée désormais sur plus de trois décennies, Angélique Kidjo s’est imposée comme l’une des voix les plus vibrantes de la scène africaine. Mais sans jamais pour autant se crisper sur une identité fermée, s’appropriant régulièrement des pièces célèbres de la musique occidentale -le Boléro de Ravel ou le Summertime de Gershwin. Ses deux derniers albums se prêtaient précisément à l’exercice de la reprise. En 2018, elle s’attaquait au Remain in Light de Talking Heads, rappelant au passage à quel point il avait été influencé par les musiques d’Afrique de l’Ouest. Un an à peine plus tard, elle rendait hommage à l’icône cubaine, Celia Cruz, qui n’a elle-même jamais manqué d’insister sur les liens évidents entre l’île caribéenne et le continent africain.

À cette occasion, Angélique Kidjo recevait d’ailleurs le Grammy du meilleur album de world music (son quatrième…). En allant chercher son trophée, elle en profita tout de même pour préciser:  » Il y a quatre ans, je vous disais qu’une nouvelle génération d’artistes venus d’Afrique allait tout emporter sur son passage. Ce temps est arrivé. » Et de dédier son prix à Burna Boy, star nigériane des plateformes de streaming, concourant dans la même catégorie qu’elle… Un an plus tard, Kidjo joint le geste à la parole et embarque toute la jeune génération sur son nouvel album.

Burna Boy est forcément de la partie sur Mother Nature -qui voit Kidjo revenir à des compositions originales, sept ans après l’album Eve. Sur l’irrésistible Do Yourself, le miel vocal du géant nigérian contrebalance à merveille l’ardeur vocale de Kidjo. Un peu avant, le morceau Africa, One of a Kind permet à l’icône béninoise de préciser toujours plus son envie de faire le pont entre les générations, samplant un morceau de Salif Keïta, avant de l’inviter à chanter aux côtés de Mr Eazi, autre « nouvelle star » de l’afrobeat. Rappelant au passage l’indispensable mobilisation contre le changement climatique ( Mother Nature), Angélique Kidjo réclame la liberté et l’égalité ( Free and Equal, avec la Zambienne Sampa The Great). Mais surtout la dignité, qu’elle chante aux côtés de la Nigériane Yemi Alade, Dignity pointant les violences policières dénoncées par la jeunesse de Lagos, lors de manifestations sanglantes en 2020.

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À large spectre, la musique brasse sonorités pop, afrobeat, soukouss ( Omon Oba), samplant même l’historique Indépendance Cha Cha, créé en 1960 (l’année de naissance de Kidjo et celle des indépendances africaines). Elle s’aventure encore vers la chanson grandiloquente ( Mycelium, difficile à encaisser néanmoins si vous êtes allergique aux miaulements de Matthieu Chedid), ou le Brit funk sur le très réussi Fired Up. Bien sûr, on pourra toujours critiquer le côté oecuménique de cette ambassadrice de toutes les grandes causes ( Flying High), celle dont Bill Clinton a dit que  » la seule chose qui est plus grand que la voix d’Angélique Kidjo, c’est son coeur« . En attendant, en mettant en avant la jeune génération à travers un disque rassembleur, elle prouve à quel point les musiques africaines infusent la pop globale. Voire dessinent son futur.

Angélique Kidjo

« Mother Nature »

Distribué par Decca.

8

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