J’ai oublié
De Bulle Ogier, Marguerite Duras, dont elle était proche et avec qui elle collabora à diverses reprises, disait: » Bulle, ce n’est pas la Nouvelle Vague, c’est le vague absolu. » Comme un précipité de mélancolie et de nonchalance, qu’elle a promené avec bonheur chez Jacques Rivette, Alain Tanner, Werner Schroeter ainsi que Barbet Schroeder, » l’homme de ma vie« , à qui elle dédie ce livre de souvenirs qu’elle a joliment choisi d’intituler J’ai oublié. Écrit à quatre mains avec le concours de la journaliste de Libération Anne Diatkine, l’ouvrage s’avance, avec une grâce toute aérienne, sur le fil d’une existence aventureuse, s’étant épanouie dans une époque qui ne l’était guère moins – » l’intensité de cette liberté fracassante me reste à fleur de ma peau » . Bulle Ogier a l’oubli généreux, parmi d’autres qualités dont la modestie naturelle. » Je n’ai jamais pensé que j’avais le profil pour être actrice. Je ne sais rien faire d’autre que jouer, et pourtant, si je ne joue pas, ça ne me dérange pas« , relève-t-elle, au détour d’un chapitre, sans qu’il y ait là la moindre pose, mais plutôt l’expression d’une manière d’être au monde. Ce que traduit éloquemment cet ouvrage embrassant avec une même élégance les amitiés, rencontres décisives et autres rendez-vous manqués -voir les lignes superbes qu’elle consacre à Jean Eustache. Mais touchant aussi, sans jamais se départir de son apparente légèreté, à quelque chose de grave et de sensible, l’ombre de sa fille Pascale, disparue en 1984, habitant le récit – » J’ai du mal à croire qu’elle n’est plus là, puisqu’elle est constamment dans mes pensées« . Hautement stimulants, ces souvenirs sont aussi singulièrement émouvants.
De Bulle Ogier, avec Anne Diatkine, éditions du Seuil, 240 pages.
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