CHAQUE ANNÉE, EN DÉCEMBRE, L’INDUSTRIE DU DISQUE FAIT RECETTE À COUPS DE COFFRETS, DE BEST OF ET DE RÉÉDITIONS. NIGHTMARE BEFORE CHRISTMAS.

Le père Noël n’est peut-être pas une ordure mais il est à la botte, tout sauf rouge, du capitalisme chrétien. De cadeaux forcés qu’on n’a parfois pas plus envie de recevoir que d’acheter. Quoi? Ils sont où, vos 10 derniers brols déballés sous le sapin? Le gros barbu n’a pas son pareil quand il s’agit de nous faire raquer, mettre la main au portefeuille et chauffer la carte bleue.

En musique, Noël est la période des coffrets et des saucisses.  » Voulzy, Souchon, Bénabar sortent encore un disque en cette fin d’année mais en rock, mis à part les Black Keys, on peut dire que c’est fini depuis un bout de temps déjà, explique Dédé du Caroline Music. Le phénomène n’est pas nouveau. Avant, les nouveautés cessaient même d’arriver dans les rayons à la mi-novembre. Décembre, c’est l’heure des lives, des traditionnels best of… Puis aussi des DVD de tournées dont on est très friand dans la variété française. »

Pratiquement tous les coffrets sont déjà sortis. Et depuis belle lurette. Les maisons de disques s’y prennent de plus en plus tôt.  » Si tu arrives en décembre, il est déjà trop tard. Les magasins sont remplis, explique Arnaud Rey, product manager catalogue chez Universal. Il y a de moins en moins de points de vente. Et dans ces points de vente de moins en moins d’espace réservé aux disques. »

Il en faut pourtant de la place pour caser la marchandise… L’exemple n’est pas tout à fait représentatif mais reflète une réalité. Le Achtung Baby de U2 est sorti dans 5 formats différents: CD, double CD, 4 vinyles, 6 CD – 4DVD et dans une version « über » deluxe.

 » Avant, on avait un certain nombre d’intégrales qu’on représentait chaque année. Brassens, Gainsbourg. Puis, on avait les Metalbox. Les 100 plus belles chansons… Aujourd’hui, nous sommes beaucoup moins arrogants qu’avant. Beaucoup plus à l’écoute du marché. Nous travaillons de manière plus réfléchie. On s’interroge vraiment sur ce que les gens sont prêts à payer. On cherche, trouve et propose des produits qui correspondent à toutes les envies et à toutes les bourses. On fait presque du sur mesure. »

Grosses cartouches

Comme ses concurrents, Universal sait pertinemment qu’avec les dates anniversaires, les fêtes sont propices à ces projets et coffrets. C’est bien simple: le label fait environ un tiers de son chiffre annuel sur le mois de décembre.  » L’industrie a besoin de ça. Je ne vais pas vous faire croire qu’on clôture une grande année. En même temps, on n’oblige personne à acheter. Si les produits marchent c’est que les gens sont intéressés. A Noël, les gens veulent offrir autre chose qu’une boîte en plastique. »

 » J’ai rarement rangé autant de coffrets luxueux que ces dernières semaines, raconte le Dop, le vendeur le plus rock’n’roll de l’histoire de la FNAC. Aujourd’hui, on t’emballe la musique comme le meilleur des parfums. C’est cool. La gamme de prix est vaste. Mais tu remarques quand même que c’est pour un public qui a du pognon. »

Le Dop croise souvent en décembre des gens qui ne mettent pas souvent les pieds dans les magasins de disques.  » Ils viennent me voir et me demandent où se trouve Queen. J’aime leur répondre que c’est dans les « Q ». Puis, je les prends par la main jusqu’au rayon. Je dois aussi souvent expliquer que « Beatles », c’est avant « Björk » dans les bacs… Ces clients sont perdus. Un peu comme quand moi je vais chez Veritas. »

Reste qu’en décembre, la FNAC tape des scores. Les fêtes sont aussi une bonne période pour le Caroline Music.  » Mais on ne fait pas un double mois comme certains, reprend Dédé. Les majors sortent leurs grosses cartouches. Ce qui n’est généralement pas notre truc. Warner a toujours un Seal sous le bras, retravaille des disques qui ont moyennement marché comme le best of de REM. Les labels bossent beaucoup avec les campagnes télé. Les gens passent et veulent du Tony Bennett. Suffit de regarder l’ultratop pour avoir une idée de ce qu’on nous demande… Nous, on marche bien après Noël. Les clients ont des sous, ont reçu leur 13e mois et se font plaisir, guidés par les incontournables tops de fin d’année. » Certains albums indé sont parfois réédités avec quelques titres bonus. Même Kurt Vile a osé.

 » Généralement, on ne fait pas ce qu’on appelle les albums de Noël, poursuit le boss du Caroline. Cette année, on a juste pris A Very She and Him Christmas de Matt Ward et Zooey Deschanel et le Smith & Burrows qui à mon avis va faire un carton. »

Smith & Burrows, c’est l’association de 2 jeunes papas: Tom Smith, le leader des Editors, et Andy Burrows, ancien batteur de Razorlight. Ensemble, ils ont signé des reprises de Yazoo ( Only You), de Black ( Wonderful Life) et quelques titres originaux. Une musique qui, ils l’espèrent,  » renforcera le sentiment de fraternité associé à la période de Noël« .

Le concert de Smith & Burrows à l’Ancienne Belgique a finalement été avancé au 13 décembre mais il était initialement prévu le 22. Le business musical de fin d’année n’est pas qu’une affaire de disques. C’est aussi une histoire de live. Les frères Dewaele organisent ainsi 4 Soulwaxmas (à Londres, Paris et le 23/12 à l’Ethias Arena d’Hasselt) et mixeront à Glasgow et Birmingham sous le nom des 2manydjs pour le réveillon de nouvel an. A bon entendeur, Billy Joel et Bob Marley… Pardon. Joyeux Noël et bonne année… l

TEXTE JULIEN BROQUET

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