BRILLANT À L’ÉCRAN COMME À L’INTERVIEW, LEONARDO DICAPRIO INCARNE HOOVER JUSQU’À LA MORT DANS J. EDGAR, BIOPIC DE CLINT EASTWOOD CONSACRÉ AU PÈRE FONDATEUR, MANIPULATEUR ET CONTROVERSÉ DU FBI. INTERROGATOIRE.

Leonardo DiCaprio est un homme on ne peut plus demandé. Martin Scorsese confirmait encore récemment sa volonté de le plonger dans la peau et les pompes de Frank Sinatra. Si le golden boy, tiré à 4 épingles, débarque en ce début novembre à Los Angeles, délaissant pour quelques jours le tournage australien de Gatsby le magnifique avec Baz Luhrmann, c’est pour parler avec clairvoyance et finesse d’Hoover (beaucoup) et de Clint Eastwood (un peu). Dans J. Edgar ( lire la critique page 30), Leo incarne celui qui fit du FBI ce qu’il est. Bas le masque.

Que saviez et pensiez-vous d’Hoover avant de tourner ce film et qu’en est-il aujourd’hui?

Hoover a toujours été présenté de manière très mystérieuse. Je le voyais comme cette espèce de bulldog qui a transformé le visage du Bureau d’investigation américain. Ce qui est devenu l’une des plus importantes et efficaces forces de police que le monde ait connues. Il a réorganisé ça tout seul. Il a changé le système à travers lequel on profile et identifie les gens aux Etats-Unis. Modifié les lois fédérales. Transféré un pays qui était encore à l’état de wild wild west en une nation unifiée avec un système de lois, unifié lui aussi, qui permettrait de capturer efficacement les criminels et de les expulser. J’ai toujours été intrigué par sa vie. Par ce qui le motivait. Le mec a officié sous 8 présidents différents. Il a mené l’une des politiques les plus longues de l’histoire de l’Amérique. Personne n’a occupé une position pareille aussi longtemps dans notre pays. Il a accompli sa tâche avec une main de fer et n’a jamais changé d’idéaux. Hoover avait une vision claire de ce qui était bon pour les Etats-Unis et de comment les protéger. Prêt à utiliser toute tactique nécessaire pour y arriver. Il n’écoutait personne et ne devait pratiquement pas répondre de ses actes. Ce qui est fascinant aussi, c’est de réaliser que toute personne avec un énorme pouvoir est obsédée par le fait de le conserver à tout prix. Dans le cas présent, ça lui venait de sa mère dont l’ambition l’a toujours guidé.

Quelles recherches avez-vous effectuées pour ce rôle un peu spécial?

J’ai lu beaucoup de bouquins que le scénariste Dustin Lance Black nous a donnés et qui ont inspiré son scénario. Ils proposent des points de vue très différents sur Hoover et des opinions sur sa vie personnelle, son histoire… Certains se focalisent sur l’affaire Lindbergh ou les premières années de crainte bolchévique… J’ai lu tout ce que je pouvais mais ce qui m’aidait vraiment à la fin de la journée, c’était ce trip que j’avais fait à l’est où j’ai marché sur ses pas. Sa maison, l’endroit où il est mort, le restaurant où il allait quotidiennement… Vivre quelques jours dans la peau d’Hoover était d’une routine incroyablement monotone. Ce mec qui faisait les mêmes choses jour après jour tout au long d’une existence solitaire. C’était un autre temps. J’ai aussi rencontré Cartha DeLoach en Caroline du nord. L’un des derniers mecs, la nonantaine, à avoir bossé avec Hoover. Il m’a plus rapproché de lui que n’importe quel livre. Il m’a parlé de son sens de l’humour, de sa manière de s’asseoir, de bouger ses mains, de la bouffe qu’il aimait, de sa relation avec Clyde Tolson. C’est ce qui m’a été le plus précieux. Avec YouTube évidemment. A commencer par cet extrait où Hoover évoque la capture des criminels et alors qu’il pense ne pas être filmé se gratte abondamment le visage. J’ai ainsi pu le voir relax, naturel, l’espace de quelques secondes.

Hoover s’est beaucoup soucié de son image et de celle véhiculée par le FBI…

Quand il est arrivé au pouvoir, les criminels étaient considérés par beaucoup comme des héros. Les gens scrutaient et adoraient ces bandits qui allaient d’Etat en Etat braquer des banques. Voler aux riches et pas nécessairement pour donner aux pauvres. Il y avait des films comme L’Ennemi public (1931), Scarface (1932) qui glorifiaient ces mecs dans l’£il du public. Or, lui, chassait ces criminels. Il vient d’une période où on voulait récupérer le contrôle du pays, faire de l’Amérique un endroit formidable. Il a transformé les USA à jamais. Je vais imager. Il existe des tas de chaînes de hamburgers. Dans le temps, personne ne voulait en manger. Et tout à coup, les serveurs et les cuistots ont dû revêtir un uniforme, avoir les cheveux en arrière, porter un bonnet blanc, se laver en permanence les mains et le burger est devenu populaire. La police avait l’image d’un système sale et corrompu. Hoover est arrivé et il a nettoyé. Tous les membres du bureau devaient être des gentlemen bien habillés, avoir de bonnes manières. Ne pas boire ni fumer… Il a aussi voulu changer l’image de la police dans les films. Le regard public était tellement important à ses yeux… Il a immédiatement castré Melvin Purvis, le mec qui a mis fin aux méfaits de Dillinger. Il cherchait à rester le symbole du bureau, de sa lutte. Motivé par une gloire toute personnelle, j’imagine. Il voulait l’adulation due au fait qu’il était à la tête de ce service. Purvis a ensuite été réduit à un boulot de secrétaire et s’est suicidé 15 ou 20 ans plus tard apparemment avec le flingue qui lui avait permis de tuer Dillinger. Hoover voulait conserver le pouvoir à tout prix et il a fait en sorte qu’il en soit ainsi. Mais il a transformé le visage de la loi dans notre pays et procuré un écrasant sentiment de paranoïa à tous ceux qui s’adonnaient à des activités criminelles.

Vous jouez Hoover de 20 à 77 ans. C’était pour vous un challenge?

Oui. Et un fameux. Ce fut vraiment éprouvant. Surtout pour donner vie à ses vieux jours. Le travail avec les prothèses avait quelque chose de claustrophobe. Parce que j’avais plusieurs couches sur le visage mais aussi parce que ça pesait énormément. J’avais par moments envie de casser le masque pour respirer à nouveau. L’aspect physique n’était pas la seule chose difficile à gérer. Il y avait aussi le fait d’incarner un type qui avait 50 ans d’expérience avec tous ceux qui l’entouraient. Il était devenu une espèce de dinosaure. Et quand tu dois jouer en face d’un jeune Robert Kennedy, lui parler comme à un gamin, tu dois vraiment t’imprégner d’un état d’esprit.

Comment Clint Eastwood a-t-il géré ce tournage?

Clint n’a pas du tout vécu Hoover de la même façon que moi. Je suis d’une autre génération. Lui a grandi avec J. Edgar. Il avait ses propres références. Hoover était au pouvoir pendant une bonne partie de sa vie. Il disait qu’il avait toujours été cette force mystérieuse qui planait et dont personne ne savait grand-chose. Il lui vouait un respect et une admiration lucides… Conscient de ses agissements. Clint nous a cependant donné peu d’indications. Il travaille sans répétition. Il s’attend à ce que tu aies fait tes devoirs et à ce que tu aies une idée claire de ton rôle. En ce qui me concerne, tout était dans la répression de l’émotion. John Edgar Hoover, Clyde Tolson, Helen Gandy… Aucun d’entre eux n’a été marié. Ils ont consacré toute leur existence à leur boulot. Ils n’avaient aucune vie intime. C’est une ère que nous ne pouvons pas comprendre. Une vie de prêtre.

Ça suscite pas mal de polémique. La figure la plus emblématique du FBI était-elle gay?

Personne ne saura jamais la vérité. Même avec toutes les recherches que j’ai faites, tous les gens que j’ai rencontrés, je ne peux pas prétendre savoir ce qu’il s’est passé entre Hoover et Tolson. Ils mangeaient ensemble, vivaient ensemble. Aucun d’eux ne s’est marié ou n’a eu de relations ouvertes avec des femmes. Ils allaient en vacances ensemble. Ne se quittaient jamais. Hoover a laissé à Clyde tout ce qu’il avait. Ils sont enterrés l’un à côté de l’autre… Ils ont été inséparables. Tout ce qu’il se passe derrière les portes fermées, nous ne le montrons pas dans ce film. C’est leur business. Nous présentons juste 2 hommes qui ont eu des sentiments extrêmement forts l’un pour l’autre.

LIRE AUSSI LA RENCONTRE AVEC NAOMI WATTS, ÉGALEMENT À L’AFFICHE DE J. EDGAR, DANS LE WEEKEND DE CETTE SEMAINE.

RENCONTRE JULIEN BROQUET, À LOS ANGELES

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