Hével

Plus de vingt ans, déjà, que Patrick Pécherot distille ses excellents polars historiques à la Série Noire, depuis Tiuraï en 1996. Ont suivi Terminus Nuit, Soleil Noir, la Trilogie des Brouillards, Tranchecaille et désormais ce Hével, mot emprunté à l’hébreu et à l’Ecclésiaste pour désigner une réalité absurde ou illusoire. Tous ont la particularité de visiter l’Histoire de la France de la première partie du XXe siècle, mais le temps avançant, Pécherot aussi: Hével se déroule sur les routes froides et humides du Jura en 1958. Ou plutôt non: le roman prend forme en 2018 lorsque Gus, vieux bougre en mal de conversation, se confie à un journaliste qui l’interroge sur un meurtre vieux de 60 ans. Gus plonge dès lors dans ses souvenirs et surtout dans son phrasé de désoeuvré qui, à l’époque, acheminait du fret dans la région avec André et son camion Citroën, au moins aussi fatigué que ses occupants. La guerre d’Algérie faisait rage, la misère collait aux basques et les tensions avec  » les Arabes des usines » étaient omniprésentes. Une ambiance lourde à laquelle vient s’ajouter un troisième larron, Pierre, un vagabond peut-être bien recherché par les gendarmes, dont la présence ne doit rien au hasard… Plus que l’intrigue en elle-même, qui s’avèrera bouleversante, c’est comme souvent l’écriture qui impressionne chez Pécherot; l’écriture et les mots, fidèles aux argots des époques et des lieux qu’il hante de ses ambiances lourdes et de ses personnages prolétaires et terriblement humains. Or comme le dit si bien Gus,  » les mots, c’est parfois des clous plantés dans un cercueil. Quand le couvercle est en place, restent les yeux pour pleurer. »

de Patrick Pécherot, Éditions Série Noire Gallimard, 224 pages.

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