Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

POUR SON NOUVEL ALBUM, LE RAPPEUR VÉTÉRAN RETOURNE À CHICAGO, SA VILLE D’ORIGINE, POUR EN RACONTER LA VIOLENCE ENDÉMIQUE. HANDS UP, DON’T SHOOT!

Common – « Nobody’s Smiling »

DISTRIBUÉ PAR DEF JAM/UNIVERSAL.

8

Sur la pochette de son dixième album, Common se contente d’un portrait noir et blanc granuleux. Simplicité, gravité. Le titre en rajoute une couche: Nobody’s Smiling. La phrase est tirée d’une rime de Rakim (In The Ghetto). On ne se fend pas la poire dans le ghetto, c’est sûr. Au printemps dernier, The Roots sortaient également l’un de leur disques les plus abrasifs et plombés (… And Then You Shoot Your Cousin). Mais que se passe-t-il en Amérique noire pour que même ses rappeurs les plus « positifs » sombrent dans la sinistrose? L’actualité du mois d’août a livré un élément de réponse. Le 9 août, Michael Brown, jeune Afro-Américain de 18 ans, était abattu de six balles par l’officier de police Darren Wilson, dans des circonstances suffisamment troubles pour enflammer les rues de Ferguson, Missouri. Plusieurs jours d’émeutes suivront, un couvre-feu sera installé…

Dimanche dernier, la veille des funérailles du jeune homme, Common était sur la scène des MTV Awards et demandait un moment de silence à la mémoire de Brown. Après avoir élu un président métisse, l’Amérique avait cru pouvoir enterrer définitivement ses vieux démons. Cela n’était évidemment pas aussi simple…

Windy city

Common est né et a grandi à Chicago. C’est de là qu’il a lancé sa carrière, il y a plus de 20 ans aujourd’hui, avant de filer à New York. Aujourd’hui, pour le dixième album d’une discographie marquée par le rejet des clichés gangsta rap, et autres délires bling bling, il revient sur ses terres d’origine. Celles également du Président Obama. Common: « I’m from Chicago, nobody’s smiling/Niggas wyling on Stoney Island/Where the chief and the president come from »; « Les Négros font les dingues sur Stoney Island/Là d’où vient le chef et le Président » (Nobody’s Smiling). A la fin du couplet, le rappeur ajoute: « I do it for Haidya and Trayvon Martin. » La première est morte en 2013, à l’âge de 15 ans, d’une balle perdue, se promenant dans un parc situé à un mile à peine du domicile des Obama; le second, 17 ans, a été abattu par le chef d’une milice de citoyens…

En 2011, Common sortait un disque intitulé The Dreamer/The Believer. Aujourd’hui, le rêve a du plomb dans l’aile. Produit par No ID, le pote de toujours, Nobody’s Smiling fait cependant partie de ces disques qui n’ont pas besoin de hurler pour exprimer leur rage, ni d’évacuer les doutes pour rendre la colère crédible. Fiable, Common l’est toujours quand il s’agit d’évoquer les règlements de compte entre gangs, les quartiers rongés par la drogue… Toujours meilleur quand il reste concentré sur son sujet (l’anomalie Real, dispensable), il a aussi la bonne idée d’inviter la nouvelle génération. Quitte à se faire tancer (« Are these celebrities way too shy to be loyal to the town?« , ose Malik Yusef, sur le morceau-titre). The Neighbourhood résume au mieux l’enjeu de l’album: Common sample Curtis Mayfield, raconte son expérience du ghetto, avant de laisser la parole à Lil Herb. Un morceau, trois générations de Chicagoéns. Living just enough for the Chi-city

LAURENT HOEBRECHTS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content