Avec des sites Internet comme Pitchfork, le secteur culturel s’est trouvé de nouveaux intervenants pour faire la pluie et le beau temps.

Internet aurait pu provoquer l’éclatement des repères et contribuer à la disparition des « références » culturelles. Pourtant, sur la Toile comme sur le papier, des leaders d’opinion se dégagent. Malgré la pluralité, la diversité, l’infinité de sources à portée de clics, un nombre limité d’opérateurs monopolisent toute l’attention.  » Internet permet de se connecter avec le monde entier, des milliards de sites, explique Thierry De Smedt, chercheur dans le domaine des nouveaux médias à l’Université de Louvain-la-Neuve . Mais on constate que les internautes ont tendance à s’associer avec leurs semblables. Plus ils sont jeunes et plus le groupe est petit. »

L’engouement suscité par des sites comme Pitchfork ne se limite pas à la qualité ou à la fiabilité de l’information. A la pertinence ou à la poésie d’une critique.  » On ne parle pas seulement de l’intérêt d’une info mais aussi et surtout du fait qu’on est nombreux à s’y intéresser. Il s’agit d’une sorte de lien, de ciment social qui passe par des objets culturels. Au début de l’ère télévisuelle, beaucoup de gens ont acheté une télé parce que leurs voisins en possédaient une et qu’ils commençaient à se sentir exclus, largués.  »

Dans le cas de certains visiteurs, on constate avant tout une recherche de soutien.  » Parmi les spécialistes en vins, certains aiment découvrir des producteurs inconnus. D’autres cherchent à ce que leurs choix, leurs goûts soient validés. On se sent plus sûr de soi quand on possède un aval. Une forme de confirmation.  » Des sites comme Allociné compilent d’ailleurs les critiques des grands titres « papier ».

Les experts

Parallèlement aux attitudes comportementales, le fonctionnement des moteurs de recherche dirige aussi les spots, canalise les regards.  » Plus l’internaute devient expert, plus il se méfie des signaux routiers, tempère Thierry De Smedt . Les sites les plus intéressants ne sont pas nécessairement ceux qui sont mis en évidence et il s’en rend compte. Il faut néanmoins un peu de temps pour le comprendre et affiner sa manière de surfer. »

De toute façon, comme les médias traditionnels, soumis aux règles du marché et de la publicité, les leaders du Web suscitent la défiance, l’inquiétude, la présomption de collusions.  » Au fur et à mesure qu’ils gagnent en crédibilité et en visibilité, une espèce de suspicion s’élève. Ils deviennent une zone poissonneuse pour ceux qui ont intérêt à vendre un produit. On tombe pratiquement dans le profilage du mailing personnalisé. Et les internautes finissent par se méfier. »

On ne peut toutefois résumer la consommation d’info culturelle numérique à la consultation d’une poignée de mastodontes.  » Des sites comme Pitchfork constituent en quelque sorte cette forme de gros arbre qui cache les forêts.  » Les forêts des audacieux, des encore moins conformistes.

LA CHRONIQUE DE julien broquet

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