MÉLODRAME DE WIM WENDERS. AVEC CHARLOTTE GAINSBOURG, JAMES FRANCO, MARIE-JOSÉE CROZE. 1 H 58. SORTIE: 29/07.

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Certes, de Pina au récent The Salt of the Earth, consacrés respectivement à la chorégraphe Pina Bausch et au photographe Sebastiao Salgado, ses documentaires faisaient mieux que donner le change. Voilà pourtant une quinzaine d’années au bas mot -soit depuis Million Dollar Hotel- que Wim Wenders semblait avoir perdu le fil de son cinéma, alignant des fictions au mieux dispensables, ces Don’t Come Knocking ou autre Palermo Shooting revisitant, sans plus de conviction que de réussite, les figures de son oeuvre passée. C’est dire l’excellente surprise que constitue aujourd’hui Every Thing Will Be Fine, mélodrame qui voit le réalisateur de Alice dans les villes renouer brillamment avec l’inspiration. Cette inspiration, c’est elle aussi que traque Tomas (James Franco), un écrivain, réfugié dans le grand Nord canadien. Et qui, délaissant sa retraite par une soirée d’hiver saturée de neige, va être rattrapé par la fatalité, fauchant, au volant de sa voiture, un gamin qui traversait la route sur sa luge. Et le drame de se replier sur Kate (Charlotte Gainsbourg), la mère de la victime, affrontant les événements armée d’une étrange douceur mutique, Christopher (Robert Naylor), le frère du disparu, et bien sûr Tomas, dont l’existence se dérobe sous les assauts de la culpabilité, avant que les événements ne semblent lui permettre de renaître à l’écriture…

Une 3D intimiste

Leurs destins inextricablement liés, Wenders va les explorer sur une dizaine d’années, procédant par ellipses temporelles choisies. Il y a là l’expression d’un sens de la mesure bienvenu, lequel irrigue judicieusement un film qui, pour se révéler plongé au coeur de la douleur, préfère la délicatesse au pathos, tout en accommodant le sujet de nombreux non-dits. Every Thing Will Be Fine n’y sacrifie rien en densité pour autant, et opère en profondeur, brassant des questions touchant aussi bien à l’impossible deuil d’un enfant qu’à la rédemption et au pardon, et jusqu’à la culpabilité de l’artiste se nourrissant de souffrance.

Cette réflexion trouve, devant la caméra de Wim Wenders et de son directeur de la photographie, Benoît Debie, une expression aussi fluide que lumineuse. Et le film n’est pas sans évoquer, par sa facture, les toiles d’Edward Hopper, mais aussi le mélodrame hollywoodien classique -on pense ainsi au cinéma d’un Douglas Sirk, la partition d’Alexandre Desplat donnant à l’ensemble des accents lyriques. Le tout magnifié, encore, par l’usage intimiste d’une 3D semblant envelopper les protagonistes -James Franco et Charlotte Gainsbourg excellent dans un registre feutré- dans un champ dont la profondeur ouvrirait bientôt sur l’abîme. Touché par la grâce, il y a là un film beau et troublant, consacrant le retour d’un grand cinéaste.

J.F. PL.

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