Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

INSPIRÉE PAR SES PROPRES ÉPREUVES D’ENFANT PRISE POUR MODÈLE ÉROTIQUE PAR SA MÈRE, LA RÉALISATRICE DE MY LITTLE PRINCESS SIGNE UN FILM AUSSI DOULOUREUX QUE FASCINANT.

Eva Ionesco se souvient de la petite fille qu’elle fut, de la manière dont sa mère fit d’elle  » son objet, totem et tabou à la fois, habillée, maquillée puis déshabillée, photographiée, jouet et en même temps gagne-pain par la vente des images…  » Des images d’enfant pré-pubère au look de femme fatale, de fillette au corps sexualisé dans des décors baroques. Des images qui firent la couverture de magazines artistiques branchés, et même grand public comme le Spiegel allemand, puis devinrent -suite à un début de scandale- l’objet d’un commerce « sous le manteau », à une époque où la pédophilie « distinguée » était de bon ton dans certains milieux « créatifs ».  » Ces temps-là, les années 70, étaient propices à ce genre d’artiste, portée vers un romantisme noir et morbide, vers une transgression sans limite et en même temps vers la régression« , commente celle qui fit l’actrice (encore récemment dans La Famille Wolberg) et tourna des courts métrages avant de réaliser My Little Princess (voir critique page 31). Un film qui fut très difficile à concrétiser.  » Personne dans le milieu cinématographique ne voulait y toucher, par peur d’un contexte impliquant indirectement la pédophilie« , explique Eva Ionesco, qui ajoute:  » Et pourtant, j’ai laissé de côté le plus terrible, le plus insoutenable de ce que j’ai vécu… »

Comme un conte très noir

 » J’ai voulu faire un film aussi simple que possible, comme un conte pour enfants virant au film d’horreur« , poursuit celle qui a pu compter sur 2 interprètes remarquables: la toute jeune Anamaria Vartolomei, et une Isabelle Huppert qu’elle compare à  » un Stradivarius, capable d’être tout à la fois petite fille, femme frigide, meurtrie et monstrueuse« . Sans l’engagement de la star aux côtés de sa réalisatrice, My Little Princess n’aurait sans doute jamais vu le jour.  » Avec le recul, et même si le film est autobiographique, cette mère peut apparaître aujourd’hui comme un personnage de conte un peu fantasmagorique, déclare la réalisatrice. Un personnage qui ne pourrait plus exister aujourd’hui, car des limites ont été fixées, qui ne l’étaient pas pour certains, à l’époque. Ma mère évoluait dans un milieu artistique où le train de la transgression était lancé si vite qu’on ne pouvait plus l’arrêter. Et en plus des artistes, il y avait des pédophiles, comme le frère d’Eric Rohmer…  »

Eva Ionesco parle de son premier long métrage comme d' » un film guérison« , même si  » certaines cicatrices feront toujours mal« . Elle prépare un deuxième film, lui aussi autobiographique, et qui évoquera  » les années 80, les nuits au Palace« . Les images de la cinéaste remplaceront peu à peu celles de la gamine exploitée. Même si, aujourd’hui encore, à 76 ans, Irina Ionesco persiste à vendre des clichés que sa fille tente toujours de récupérer dans un nouveau procès… l

LOUIS DANVERS

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