AMOUREUX DE LA NATURE, KOEN KOHLBACHER S’EN EST ALLÉ ENREGISTRER LE DEUXIÈME BIRDS THAT CHANGE COLOUR EN MODE FIELD RECORDING DANS LES HAUTES FAGNES. PORTRAIT DE L’OISEAU RARE.

Il a l’oeil alerte, le verbe posé et la barbe proéminente. Connu au nord du pays pour ses interventions « décalées » -il préfère le terme « psyché- déliques » voire « absurdes »- dans une émission animalière de la VTM (Wild Van Dieren), Koen Kohlbacher est aussi l’âme, la voix, la plume de Birds That Change Colour. Projet folk qui, grâce à son deuxième et nouvel album, l’exceptionnel On Recording Birds, devrait imposer son look mi-hippie mi-métalleux de ce côté-ci de la frontière linguistique.

A 37 piges et quelques poils gris, le troubadour flamand aux origines autrichiennes n’a rien d’un jeune premier. Reste qu’il a commencé sa carrière musicale sur le tard et inauguré sa discographie il y a tout juste trois ans. « Je fais de la musique depuis que j’ai quinze ans, raconte-t-il sur la terrasse d’un café bruxellois. A l’unif, on avait un groupe de reprises. On revisitait du Hendrix, les Kinks… Je vénère Ray Davies. C’est l’un des plus formidables chanteurs et paroliers de l’Histoire. Un miracle. J’ai aussi eu un groupe de country/bluegrass/musique cajun. Je chantais et jouais du washboard. J’ai toujours écrit des chansons mais j’étais tellement timide que je n’ai, longtemps, rien voulu en faire. »

Jusqu’à ce qu’un proche le secoue et l’aide à se prendre en main. « J’ai souffert de deux méchantes dépressions il y a une petite dizaine d’années. Un jour, alors que je jouais une chanson autour d’un feu de camp, l’un de mes meilleurs amis m’a dit: « Maintenant tu vas enregistrer ces morceaux ou je te casse la gueule et je ne t’adresserai plus jamais la parole. » Ça m’a ébranlé. J’ai acheté le matériel et je me suis lancé. J’ai créé un MySpace et me suis trouvé un nom: Birds That Change Colour. » Un nom inspiré par un poème de Kerouac dont il est grand fan. Lui qui aime les écrivains Beat et les romantiques anglais à la Keats. Les textes de Leonard Cohen et les mots de Bill Callahan.

Atmosphère, atmosphère…

On Recording the Sun était passé quelque peu inaperçu. A la fois very American et so British, On Recordings Birds baigne dans une am- biance magique et bucolique. Celle d’un enregistrement de terrain dans la Wallonie profonde. « Dès que j’ai refermé la porte du studio après l’enregistrement de notre premier album en 2011, je me suis dit: « La prochaine fois, ça devra être différent. » J’étais satisfait de mon disque mais moins des circonstances de sa naissance. J’avais tout écrit et enregistré chez moi. Et l’immortaliser entre quatre murs aseptisés le rendait moins juste. Je voulais bosser à ma manière, en field recording, et dans l’endroit qui me tient le plus à coeur. »

En l’occurrence les Hautes Fagnes. Plus précisément Mont-Malmédy. « Ces paysages, très bucoliques, inspirent mes chansons. Campagnardes, pastorales. Quand j’étais gamin, on allait déjà y faire de la randonnée et du camping. J’habite à Anvers mais je suis un homme des grands espaces. Mon père était guide nature le week-end. On vivait dans le Limbourg. Un coin très vert. J’étais inscrit dans un mouvement de jeunesse, l’équivalent des scouts, et j’ai toujours aimé les oiseaux et les animaux sauvages. »

A l’été 2013, Kohlbacher et ses oiseaux qui changent de couleur ont donc loué une maison près du parc national. « J’ai prospecté jusqu’à trouver l’endroit où nous avons enregistré. Je voulais de l’eau. Il y avait une cascade. C’était loin de tout passage, avec de beaux arbres et une jolie vue… Le contexte idéal pour créer une chouette atmosphère. » De là à ce que l’aventure soit une sinécure… « Ça a l’air génial comme ça. Mais quand tu te retrouves avec l’équipe, tu te rends compte que ça sonne comme une autoroute. Que le bruit du vent ressemble à celui d’une voiture. On a construit de petites structures pour le calmer. Et puis, on a équilibré tout ça au mixage. »

Enregistré en pleine nature avec deux techniciens (peaufiné à l’intérieur d’une ferme cosy aussi), On Recording Birds rappelle le travail d’Alan Lomax. « Je n’ai pas essayé de sonner comme lui ou de recréer quoi que ce soit mais j’adore ses enregistrements, le field recording, Harry Smith et son Anthologie de la folk music américaine, ses gospels qui te filent la chair de poule. Mississippi Fred McDowell, mon préféré, joue la forme de blues la plus pure qui soit. Lomax l’a découvert alors qu’il n’était qu’un pauvre homme assis sous un porche. J’aime sentir que la musique est vivante. Entendre la performance. Aujourd’hui, tout est si plat, si parfait, si en rythme, si compressé que tu ne vois plus rien. Il n’y a plus de paysages, plus de montagnes… »

Admirateur des Byrds, de Bob Dylan (qui l’a poussé à apprendre la guitare), de Bert Jansch, Pink Floyd, l’Incredible String Band, Bonnie Prince Billy et Neil Young, Koen est aussi amateur de classique, de chorales italiennes et galloises, de musiques celtiques et de flamenco. « Si des chansons qui ont 200 ou 300 ans t’émeuvent encore, ça doit vouloir dire quelque chose, non? »

THE BIRDS THAT CHANGE COLOUR SERA À L’AFFICHE DU NOUVEL AN BELGE, LE 20/9 À PARIS. AVEC DANS DANS, MOUNTAIN BIKE, SOLDOUT, THE LOVED DRONES FEAT B. BURGALAT…, WWW.NOUVELANBELGE.COM

TEXTE Julien Broquet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content