AVEC STARRED UP, PLONGÉE BRUTE DE DÉCOFFRAGE DANS L’ENFER CARCÉRAL À LA SUITE D’UN JEUNE CHIEN FOU INGÉRABLE, DAVID MACKENZIE SIGNE UN FILM DUR, NERVEUX ET HYPER VIOLENT. TRÈS FORT!

Londres, février dernier, dans un hôtel de Soho. La journée promo se termine et pourtant David Mackenzie (Young Adam, Hallam Foe) semble toujours sur un petit nuage. C’est que le quasi quinqua écossais doit savoir qu’avec Starred Up, son huitième long métrage, il vient de frapper un grand coup, à même de faire oublier les réussites très relatives de ses dernières réalisations en date –Spread, Perfect Sense, You Instead… « C’est la première fois que j’ai autant de contrôle sur un film que je réalise, insiste-t-il d’emblée. En a résulté une meilleure collaboration avec tous ceux qui étaient impliqués dans le projet. »

Dont Jonathan Asser, ex-psychothérapeute en milieu pénitentiaire qui signe là son premier scénario, largement inspiré de son expérience personnelle. « Jonathan était parvenu à façonner ses propres méthodes afin d’aider les prisonniers violents à gérer leur colère. Il se mettait en danger, en misant tout sur la notion de confiance. Ce que les scènes de thérapie de groupe reflètent assez bien dans le film, je pense. J’aime beaucoup ces moments où on sent qu’il y a une vraie fraternité qui se tisse entre ces types rugueux, capables de prendre soin les uns des autres quand ils se sentent plus vulnérables. »

Haute tension

Autour de l’arrivée d’un jeune délinquant survolté dans une prison pour adultes, Mackenzie orchestre surtout une plongée suffocante dans l’enfer carcéral, aux saisissants accents naturalistes. « Pour chaque scène, je savais quels ingrédients devaient être présents, se souvient le cinéaste, ce que les personnages devaient dire et faire dans les grandes lignes, et à partir de là on explorait des choses, assez intuitivement, en se montrant flexibles par rapport au matériau de base. Il y a donc pas mal d’improvisation. Nous avons aussi tourné de manière chronologique, et dans un seul et même endroit, ce qui servait parfaitement notre démarche et, mieux, la nourrissait. Certains éléments clés ont ainsi évolué au fil des jours, comme la séquence finale. Ce tournage a vraiment été particulier, on a vécu quelque chose de très fort. »

Le résultat ne l’est pas moins, drame humain aussi nerveux et violent que son personnage d’intenable chien fou… « L’idée était que la caméra devait s’adapter à l’action, et pas l’inverse. Les acteurs étaient donc libres de faire ce que bon leur semblait, sans se soucier de repères sur le sol ou autres. C’est comme si nous avions filmé les situations au rythme où on les découvrait, histoire de conserver la tension, quasi électrique, présente dans le script. »

D’où un enchaînement pour ainsi dire ininterrompu de séquences à ce point explosives qu’elles tutoient l’outrance. Starred Up, film sans limite? « Je voulais que la violence présente dans le film soit la plus bordélique et crasse possible. Et la plus réaliste. Il n’était pas question ici de donner dans une violence chorégraphiée. » Idem pour les dialogues, particulièrement corsés. Plus long, Starred Up aurait ainsi pu prétendre au record d’occurrences de « fuck » dans un même film récemment établi par The Wolf of Wall Street de Scorsese… « C’est vrai, mais je pense que nous gagnons au niveau des « cunt » (enculé ou salope, ndlr) », se marre Mackenzie.

Film résolument coup de poing, Starred Up force encore le respect dans sa capacité à faire rimer exiguïté et intensité, répétition et émotion, toutes qualités présentes dans Un condamné à mort s’est échappé (1956), le chef-d’oeuvre de Robert Bresson, dont David Mackenzie se réclame ouvertement. « Je l’ai revu trois jours avant le début du tournage. Quel film! C’est la meilleure référence que je pouvais avoir en tête. » Pas d’évasion possible ceci dit, si ce n’est symbolique, chez le cinéaste écossais. Lequel aimerait prolonger l’expérience Starred Up sous forme de série télé. « Ce serait aussi l’occasion de s’intéresser aux coulisses du système judiciaire britannique. »

RENCONTRE Nicolas Clément, À Londres

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