En descendant la rivière

On ne présente plus Edward Abbey (1927-1989), figure majeure du nature writing, l’auteur, entre autres, de Désert solitaire et du Gang de la clef à molette. Réunissant une douzaine de récits publiés à l’orée des années 80, En descendant la rivière tient tout à la fois de l’ode à une nature sauvage et souveraine, et du cri de colère face à sa destruction annoncée au nom de la cupidité des hommes. Soit une collection de textes « censés servir d’antidote au désespoir » que porte une écriture à la fluidité aquatique, tour à tour drôle, puissante, contemplative ou lyrique. « Toutes les rivières que je touche se transforment en crève-coeur », observe l’écrivain-navigateur, et elles sont nombreuses à irriguer ses méditations: Green River, dans le sud-est de l’Utah, pour une réflexion sur la vie de Henry David Thoreau; Tatshenshini, dans le Yukon canadien, aux flots huileux propices aux digressions sinueuses; San Juan, dans l’Utah, vouée à être sacrifiée à l’agriculture industrielle, et l’on en passe. Abbey a le trait acéré et lucide, expression d’une conscience écologique aiguisée (et à moult égards visionnaire). Pour autant, le sentiment qui l’emporte est moins l’amertume que celui de l’enchantement toujours renouvelé d’un auteur qui se décrit comme « un feeler: un être sensitif qui trouve à tâtons son chemin dans la jungle touffue de la vie avec la canne blanche de ses sens ». En découle un rapport inspirant au monde, et la promesse d’un voyage sans fin, armé de la conviction inébranlable qu’il y aura toujours une rivière de plus à descendre.

D’Edward Abbey, éditions Gallmeister, traduit de l’anglais (États-Unis) par Jacques Mailhos, 224 pages.

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