Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

La grande mue – Sur leur troisième album, les Editors troquent leurs guitares pour des claviers. Un changement radical. En façade seulement?

« In This Light And On This Evening »

Distribué par Pias.

Finalement, l’artiste n’a toujours que 2 options. Soit creuser un peu plus à chaque fois son matériau de base, refaire à chaque fois la même chanson, mais toujours un peu mieux, toujours plus près du noyau. Soit prendre la tangente, changer d’air, donner un grand coup de bottes dans les habitudes. Le rock – musique qui a trouvé une grande partie de sa raison d’être dans la révolte, y compris contre ses propres routines – a souvent privilégié le second choix. Mais au fond, il n’y a pas de bonnes solutions: les 2 voies sont des fuites, ou des impasses, si au bout elles ne permettent pas de se retrouver soi.

Pour leur nouvel album, les Editors ont choisi la seconde piste. Ils n’étaient pas forcément obligés, pour ce qui n’est après tout que leur 3e album. Après The Back Room (2005) et The End Has A Start (2007), le nouveau In This Light And On This Evening range ainsi quasi intégralement les guitares au placard pour les remplacer par des synthétiseurs.

Terminator

Certes, la pirouette est un argument marketing comme un autre. Le « changement de registre » est même devenu une figure quasi imposée pour chaque groupe. Au moins on saura gré aux Editors de ne pas avoir menti sur la marchandise. « C’était une question de survie », argumente sur tous les tons le chanteur Tom Smith.

Produit par Flood (Depeche Mode, U2, Nick Cave…), le disque pose clairement les enjeux dès l’entame. Le morceau-titre In This Light And On This Evening ouvre par des claviers métalliques, la voix de Smith plus caverneuse que jamais. Plus loin des nappes de synthés eighties alourdissent un peu plus le climat, avant que la batterie ne provoque enfin la déflagration du morceau. Bricks And Mortar enfonce le clou, lancé par une boîte à rythmes squelettique et à nouveau des synthés à la Human League. Au passage, le groupe pompe clairement le gimmick principal sur la B.O. de Terminator. Il fallait oser: qui a dit que les Editors n’avaient pas d’humour?… Voilà en tout cas une belle entrée en matière. Par la suite, la sauce retombe un peu, y compris avec le premier single, Papillon, un peu trop téléphoné. N’empêche, au final, les chansons d’ In This Light… tiennent la route.

Le problème alors? Il tient parfois dans l’emphase de certains titres, proche du pompier. Ailleurs, c’est encore la voix de Smith, qui n’a peut-être jamais sonné aussi grave. Et du coup n’a jamais autant fait penser à celle de feu Ian Curtis. Cela et l’omniprésence des claviers, et l’ombre de Joy Division, déjà fort pesante, n’en devient que plus gênante. Mais il y a autre chose. Le ravalement de façade a beau être spectaculaire, de l’intérieur, la musique des Editors n’a pas vraiment changé. A l’inverse de certains collègues (qui a dit Franz Ferdinand? Pardon, on avait compris les Arctic Monkeys…), leur troisième album est en effet une belle prise de distance avec leurs débuts. Une prise de risque aussi? Peut-être moins qu’elle ne voudrait le faire croire.

En concert le 7/11, à Forest National (Bruxelles); le 30/04, à la Lotto Arena (Anvers).

Laurent Hoebrechts

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