HUMORISTE NÉ, IL EST DEVENU, À MÊME PAS 30 ANS, L’UN DES ACTEURS LES PLUS BANKABLE D’HOLLYWOOD. SETH ROGEN EST À NOUVEAU HILARANT DANS 50/50, PERLE INDÉ QUI MARIE AVEC BONHEUR DRAME ET COMÉDIE.

TEXTE NICOLAS CLÉMENT

TEXTE NICOLAS CLÉMENT

À l’autre bout du fil, Seth Rogen et sa voix de gros nounours malicieux reconnaissable entre 1000. Initialement programmée quelques jours plus tôt au festival de Gand, la rencontre s’est muée en simple phoner, Rogen ayant écourté la promo européenne de 50/50 pour rejoindre son éternel comparse Evan Goldberg à L.A. et travailler ainsi sur la réécriture d’un scénario en tandem, exercice que ces amis d’enfance connaissent bien pour l’avoir déjà pratiqué sur Superbad (2007), The Pineapple Express (2008) et The Green Hornet (2011). La communication n’est pas très bonne, on cherche un peu ses mots, on s’en excuse et déjà Rogen y va d’une première vanne:  » Pour avoir bossé pendant des mois avec Michel Gondry (qui a réalisé The Green Hornet, ndlr) , je peux vous dire que votre anglais est ok et qu’on va réussir à s’entendre sans problème.  » Avant de partir dans un grand éclat de ce rire caverneux, hautement communicatif, qui le caractérise de film en film. Le ton est donné.

A l’affiche aujourd’hui de 50/50, le natif de Vancouver se montre tout particulièrement investi quand il s’agit d’évoquer les conditions dans lesquelles a vu le jour cette comédie dramatique qu’il interprète aux côtés de Joseph Gordon-Levitt ( Mysterious Skin, Inception), en plus de la produire en compagnie d’Evan Goldberg. Un engagement bien naturel, ceci dit, quand on sait que Will Reiser, scénariste du film et ami du tandem Rogen-Goldberg -ils ont tous les 3 travaillé à l’écriture du Da Ali G Show de Sacha Baron Cohen-, n’a rien fait d’autre qu’y transposer son propre vécu lorsque, atteint d’un cancer qui lui laissait autant de chances de guérir que d’y rester, il a dû faire face à la maladie et ses conséquences.  » Will a chopé un cancer il y a 6 ans. Nous étions alors les meilleurs amis du monde -nous le sommes toujours d’ailleurs (rire) . Dès cette époque, nous avons commencé à blaguer sur le fait de faire un film sur ce sujet. Simplement parce qu’à notre connaissance, il n’en existait aucun qui fasse ressentir ce que nous étions en train de vivre. Nous ne parvenions pas à trouver un seul film consacré à un jeune type sous chimio et qui va continuer à vivre, à rencarder des filles, à faire son travail, à avoir le sens de l’humour. Aujourd’hui, mon rôle découle donc directement de celui que j’étais il y a 6 ans, c’est-à-dire le meilleur ami d’un type qui a le cancer, et, plus généralement, le film s’inspire de la façon dont lui, moi et les autres avons pu gérer ça.  »

La maladie d’humour

Si la première apparition de Rogen au cinéma remonte à Donnie Darko (2001), l’ovni indie culte de Richard Kelly, il enchaîne dans la foulée et à un rythme quasi frénétique les comédies ayant pour particularité, déjà, de se situer à la croisée des chemins: pantalonnades à l’humour résolument en dessous de la ceinture mais ne négligeant jamais pour autant une certaine dimension dramatique. A commencer par celles réalisées – The 40-Year-Old Virgin, Knocked Up, Funny People (où rire et maladie font déjà bon ménage)- ou produites – Superbad– par Judd Apatow, roi de la comédie made in USA des années 2000.

Aucun de ces films, pourtant, n’a poussé la logique du mélange des genres aussi loin que 50/50, dont le titre semble renvoyer tout aussi bien aux chances de s’en sortir de son personnage principal, atteint d’une forme particulièrement rare et avancée de cancer, qu’au principe même du film: 50 % de comédie, 50 % de drame.  » C’est un heureux hasard, à vrai dire, que le titre fonctionne à double sens. Mais oui, nous tenions beaucoup à mixer ces 2 aspects. Vous savez, quand Will était malade, on ne savait vraiment pas comment parler de ça. Ce n’était pas facile d’exprimer ce que l’on ressentait durant cette épreuve, donc on a commencé à faire des blagues à ce sujet, à exprimer notre angoisse à travers l’humour. Le film se devait de refléter cet état de fait. »

Rire et larmes, le cocktail est ici émotionnellement détonant. De là à suggérer que ces 2 éléments en apparence antithétiques ne seraient appelés à s’épanouir pleinement qu’une fois associés, il n’y a qu’un pas…  » Il y a des comédies formidables qui ne fonctionnent que sur la dimension humoristique. Mais, par contre, je crois que si vous cherchez à faire un film qui soit réaliste, alors, oui, il vous faut les 2. Honnêtement, un drame totalement dénué d’humour me semble aussi peu réaliste qu’un film qui ne serait que de la comédie pure. Il faut être aveugle pour ne pas voir que la vie est à la fois drôle et dramatique. » Sans doute touche-t-on là du doigt à l’essence même de ce que d’aucuns n’hésitent pas à nommer la nouvelle comédie américaine ( lire l’encadré ci-contre): un humour ancré dans le réel et dont la vulgarité parfois crasse s’accommode étonnamment bien d’une vraie sensibilité, d’une profondeur insoupçonnée.

Make some noise

En 10 ans à peine, Seth Rogen, 29 printemps seulement au compteur, est ainsi passé du statut de parfait inconnu à celui de personnalité super influente à Hollywood, multipliant les casquettes sur des projets d’envergure -il est à la fois scénariste, producteur et acteur principal de The Green Hornet, l’un des plus gros blockbusters US du début d’année- en même temps que les collaborations de haut vol -il écrit et donne de la voix dans le 1er épisode de la 21e saison des Simpsons, il apparaît dans le clip déjà fameux du récent Make Some Noise des Beastie Boys.

Une ascension fulgurante, qui aurait fait tourner la tête de plus d’un aspirant pipole quand Rogen la conserve solidement fixée sur les épaules.  » Disons que ça a tout de même été moins rapide que le succès de Justin Bieber (rire) . J’ai commencé à faire du stand-up à l’âge de 13 ans, donc l’air de rien ça fait 17 ans que je m’échine à faire rire les gens (rire) . Ce que je veux dire c’est que je n’ai pas le sentiment que ça s’est emballé si vite que ça. Par contre, jamais je n’aurais imaginé rencontrer un succès d’une telle ampleur.  » De quoi ressentir désormais une certaine pression?  » Ça a été le cas ces dernières années, oui, mais aujourd’hui je me sens beaucoup plus détendu par rapport à mes décisions de travail, aux conséquences que tel ou tel choix pourrait avoir pour moi. Parce que j’ai tourné dans des films qui ont très bien fonctionné, d’autres qui n’ont pas marché, et au final ce qui en ressort c’est que tant que j’ai eu de l’enthousiasme à faire un film, que j’ai aimé le projet, alors je me sens bien avec ça. Cette prise de conscience a vraiment eu un effet libérateur sur moi.  »

Charisme, sérénité, enthousiasme, liberté: voilà qui devrait promettre une carrière encore riche en moments forts à celui qui se définit lui-même comme un comique né.  » S’il y a bien une chose pour laquelle j’ai vraiment eu de la chance dans ma vie, c’est que j’ai toujours su ce que je voulais en faire. Vous savez, j’ai des tas de potes de 30 ans qui cherchent toujours leur voie. Souvent les gens me demandent: « Qu’est-ce que tu ferais aujourd’hui si tu n’étais pas dans le cinéma? » Honnêtement, je n’en ai aucune idée. Je n’ai simplement jamais voulu faire autre chose. Il n’existe même aucun autre job que je n’ai ne fût-ce que tenté de décrocher.  »

Pour l’heure, du boulot, Rogen en a à revendre, lui qui se prépare à réaliser son premier long métrage, toujours en tandem avec Evan Goldberg.  » Nous l’avons écrit ensemble et je jouerai dedans. Ça s’appelle The Apocalypse et ça parle de types qui se barricadent dans une maison alors que dehors c’est la fin du monde.  » Tout un programme, là encore… l

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