Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

LA SIMPLICITÉ EST L’APANAGE DES GRANDS. AVEC UN DESSINATEUR ET CINÉASTE AU SCÉNARIO, ET UN ÉDITEUR AU DESSIN, CE LINGE SALE EN EST LA PARFAITE ILLUSTRATION.

Le Linge sale

DE PASCAL RABATÉ ET SÉBASTIEN GNAEDIG, ÉDITIONS VENTS D’OUEST, 128 PAGES.

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La vengeance est un plat qui se mange froid, voire surgelé: 20 ans que Pierre Martino rumine la sienne derrière les barreaux, depuis qu’il a voulu flinguer l’amant de sa femme Lucette, mais s’est trompé de porte et a zigouillé le mauvais couple… 20 ans plus tard donc, le voilà dehors, prêt à châtier, propre sur lui et tout seul. Le contraire de Lucette, qui vit désormais comme une pouilleuse, mais en clan: son amant Gérard est devenu son mari, le père de ses enfants, et le patriarche d’une grande famille de bras cassés, qui survivent plus qu’ils ne vivent entre petits larcins et magouilles en tout genre. « Les Verron, c’est notre mafia locale! Mais bon, ils ne méritent pas l’échafaud non plus. C’est jamais que du voleur de poules… » Pierre Martino estime le contraire. Et Pierre Martino, éduqué mais pas moins con, va se venger. Et tout le monde va trinquer.

Retrouvailles

Pascal Rabaté, le scénariste de cet excellent Linge sale connaît bien les Verron: il leur avait déjà consacré trois albums, Les Pieds dedans, il y a 20 ans, déjà chez Vents d’Ouest, et les avait lui-même dessinés, dans un style réaliste et oppressant, à mille lieues de celui de Sébastien Gnaedig, tout en légèreté, humour et bichromie. « Après ces trois albums, j’ai eu du mal à me séparer de cette famille, ces « gens de peu », issus du quart monde, mais vus par un prisme proche du cinéma italien de Risi, de Scola, de Fellini, explique Pascal Rabaté, auteur complet et désormais cinéaste (Du goudron et des plumes est sorti l’année dernière). Des personnages un peu « sales », mais avec une humanité, du fond, et cette envie de vivre en clan. J’avais donc écrit un scénario de film, qui ne s’est jamais fait. » Sébastien Gnaedig, son dessinateur mais aussi… éditeur chez Futuropolis, complète: « C’est moi qui lui ai proposé de reprendre ce scénario, et de l’adapter: j’y ai vu une histoire très noire que je me sentais capable de « griser ». Je ne suis pas un grand dessinateur, j’en connais assez pour savoir où je me situe, mais j’espère avoir un peu d’intérêt dans l’idée de raconter avec des dessins. J’ai remis son scénario à ma sauce narrative. »

Et la sauce, sans esbroufe ni spectaculaire, prend mieux qu’une mayonnaise et que bien d’autres BD qui se la jouent tape-à-l’oeil: thriller régionaliste et social, comédie amère virant au polar rude, Le linge sale impose au fil des pages sa petite musique et son humanité, portées par une surprenante bichromie de gris coloré, mais là aussi en parfaite alchimie avec le reste du récital.

OLIVIER VAN VAERENBERGH

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