Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

CINQ ANS APRÈS UN PREMIER ESSAI TRÈS REMARQUÉ, LONELADY SORT ENFIN UN NOUVEL ALBUM: HINTERLAND, PUNK DANS LA TÊTE, FUNK DANS LES JAMBES. MADE IN MANCHESTER!

LoneLady

« Hinterland »

DISTRIBUÉ PAR WARP.

8

Il faudra tout de même un jour dresser une topograhie du rock. Il est en effet amusant de voir à quel point la musique, ce truc volatile, flottant dans l’air, manifeste régulièrement le besoin de s’ancrer dans la terre. Comme si on ne pouvait bien la comprendre qu’en analysant son lieu d’origine, ses racines. Ce déterminisme-là, LoneLady a bien essayé d’y échapper, à la sortie de son premier album, Nerve Up en 2010. Oui, elle venait bien de Manchester, ce haut-lieu du rock. Elle y était même née, y avait grandi. Mais cela n’expliquait pas forcément tout de sa musique. D’ailleurs, ado, elle connaissait à peine la scène post-punk/new wave locale à laquelle la presse n’a pas manqué de la rattacher (l’influence Factory), déclarant avoir toujours davantage écouté REM que Joy Division… Soit. Au-delà des références, Nerve Up passa avant tout pour un premier essai racé, sec, tendu. En un mot, prometteur. Depuis, on était cependant resté sans nouvelles de la jeune femme. Il y a bien eu un disque collaboratif, Psychic Life, en 2011, réalisé sous la houlette des vétérans Jah Wobble et Keith Levene. Mais depuis plus rien. Cinq ans entre deux albums, c’est long. De quoi laisser largement le temps de se faire oublier. Que la jeune femme parvienne aujourd’hui à capter à nouveau l’attention indique à quel point son Hinterland est solide… Une plaque inspirée, brillante, et sonnant à vrai dire plus… mancunienne que jamais.

Trek urbain

Depuis Nerve Up, LoneLady, alias Julie Ann Campbell, a notamment aménagé son propre « studio »: un assemblage d’instruments et de matériel d’enregistrement, empilés dans un coin de son appart’, loué dans une tour d’habitation de la banlieue de Manchester. Le lit est dans la même pièce, raconte-t-elle dans The Quietus. De quoi s’assurer une véritable retraite monacale, la jeune femme se rasant régulièrement les cheveux, comme pour partir au combat. Conçu en solitaire, Hinterland est donc en partie son « inner land » à elle, son paysage intérieur –« I had to build a room to contain all the panic », chante-t-elle sur Mortar Remembers You.

Volontiers insulaire, Hinterland n’est pourtant pas le disque autiste que l’on aurait pu craindre. Il est d’abord la bande-son des longues balades que Campbell entreprend régulièrement, à travers les quartiers anonymes et abandonnés, situés en périphérie du centre et de la modernité. Un décor post-industriel d’usines abandonnées et de bâtiments débraillés, qui, de Sheffield à Detroit, a souvent donné des musiques à la fois dansantes et mécaniques. C’est le même principe ici: plus délibérement « funky » que sur Nerve Up, LoneLady a désormais libéré et « upgradé » son groove métallique. Cela s’entend dès l’ouverture avec Into The Cave, morceau remuant qui bouge sur une basse à la A Certain Ratio. C’est encore plus clair sur le single Groove It Out, ou sur (l Can See) Landscapes qui sonne comme un morceau des filles d’ESG. Plus riche, moins rigide, endossant l’esthétique post-punk sans s’y complaire, Hinterland se révèle finalement aussi tranchant qu’irrésistiblement dansant. Recommandé.

EN CONCERT LE 15/05, À L’ANCIENNE BELGIQUE, BRUXELLES.

LAURENT HOEBRECHTS

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