C’est l’histoire d’un gars bien. Chaleureux, enthousiaste, doué. Mais parfois aussi franchement agaçant. En cela, son nouvel album, L’Espoir ne résout en rien le paradoxe. Petit bilan à charge et à décharge.

YIN

Cali en fait des tonnes. Originaire du sud-ouest de la France, Cali est un rugbyman au gros c£ur, qui fonce à travers tout le terrain. Jamais rassasié d’amour, il cherche en permanence à séduire. Cabotine volontiers. Saute dans la foule, et se permet des choses que Patrick Bruel n’ose plus depuis longtemps. Après un Amour parfait ironique, un Menteur ludique, Cali, qui n’a toujours pas digéré le scrutin de mai dernier, sort donc L’Espoir politique.  » Même si l’on n’était pas du même bord, quand je parlais de Chirac, je l’appelais notre président. Avec Sarkozy, je n’y arrive pas. Il n’a pas la stature qui fait qu’il se détache.  » Celui qui avait soutenu Royal, en se produisant notamment lors du meeting de Charléty, publie du coup son disque le plus engagé. Voire lyrique. Ça passe ( 1 000 c£urs debout), ou ça casse ( Resistance), à force de manier le gros trait.  » A 18 h 30, le jour des élections présidentielles, un ami m’a appelé pour me donner les estimations, se souvient-il . C’était terrible, tout le monde pleurait chez moi, c’était le deuil total. J’ai écris Resistance à nouveau pour me consoler. J’ai envoyé des SMS à mes potes en leur disant: on ne va rien lâcher! A 20 h, je n’avais plus envie de pleurer, mais de me battre. »

Cali a 17 ans. Autour de cet âge-là, tout est neuf. On se dit qu’on va parcourir le monde et que l’éternité est à nous, qu’on va tout changer. On descend dans la rue, et les manifestations ont une vraie significa-tion. C’est quelque chose de très fort, un vrai cri. Il a beau dire, Bruno Caliciuri est un grand gamin romantique. Il est toujours l’étudiant, qui gueule contre le dernier plan de réforme de l’enseignement, guitare à la main, cheveux au vent. A bientôt 40 ans, est-ce bien raisonnable? Lui s’en fout, et continue d’avancer. Disques, tournées, engagement politique…  » La vie, ce n’est pas une caisse d’épargne. On meurt ce soir. Si j’y passe dans deux minutes, et que je n’ai pas tout dit, je vais m’en vouloir durant les deux dernières minutes, ce n’est pas possible.  » Alors Cali ne calcule pas, ne s’épargne jamais. Il travaille plus. Pour gagner plus?…

Cali se « léo ferré-ise ». Il ne le cache pas: le titre de l’album est identique à celui du disque que Léo Ferré a sorti en 1974. Il y a la manière de chanter aussi.  » C’est lié au choix de de Mathias Malzieu et Scott Colburn pour réaliser le disque, indique-t-il . Pour eux, on fait deux, trois essais maximum. J’ai fait des premières prises où je pensais que c’était bon pour une démo et ils la gardaient. Du coup, tu es moins focalisé sur la manière de chanter et davantage sur la chanson elle-même. » D’où un chant plus jeté, à la Ferré. Pourquoi pas? Mais à ce niveau-là, Brel lui va bien mieux ( Les beaux jours approchent).

YANG

Cali est irrésistible. Passez ne serait-ce qu’une demi-heure avec lui, et vous n’aurez qu’une envie: en rajouter une seconde au café d’en bas. Cela n’évacue pas pour autant toute démarche critique. Mais ça peut la compliquer. Dans un sens comme dans l’autre d’ailleurs. Car sur certains aspects, L’Espoir fait mieux que ses prédécesseurs. De toute façon, c’est bien simple: Cali est l’ami de tout le monde. Son carnet d’adresses fait se rejoindre des gens aux univers parfois très éloignés, de Mike Scott (The Waterboys) à Miossec en passant par Daniel Darc, Mathieu Chédid, Bashung… Même Le Figaro, que l’on peut difficilement soupçonner de partager la grille d’analyse politique du chanteur (doux euphémisme), a baissé les armes et loue son album. Dernière « victime » consentante à tomber dans ses filets: l’artiste Sophie Calle.  » C’était lors d’une manifestation culturelle à Toulouse, le Marathon des mots, auquel je participais, explique-t-il . J’avais choisi le dernier projet de Sophie Calle, Prenez soin de vous . Cela part d’une lettre de rupture qu’elle avait reçue et qui l’avait fort énervée. Elle a demandé à 107 femmes de réagir à ces mots: une linguiste, une avocate, une danseuse, une psychiatre, une sportive… Je lui ai proposé de venir faire la lecture à mes côtés. Pour la convaincre, j’ai promis de lui écrire la 108e. Elle est venue. J’ai demandé au public d’éteindre les portables et je la lui ai chantée dans les yeux. Normalement, cela devait rester un moment unique. Mais quelque temps après, elle m’a rappelé pour me dire qu’elle ne voulait pas la garder pour elle seule, et que je pouvais en faire ce que je voulais. Du coup, on l’a mise sur l’album. »

Cali est punk. Ou au moins rock, tendance Bono. Ses racines sont autant, voire davantage, à chercher dans la pop anglo-saxonne, que dans la chanson française. Récemment encore, dans Taratata, il reprenait Smells Like Teen Spirit de Nirvana en compagnie de l’icône Patti Smith. Sur L’Espoir, il invite donc Mike Scott des Waterboys, et s’offre, avec 1 000 c£urs debout, un morceau « à la Arcade Fire », formation canadienne emblématique de ces dernières années.

Cali, auteur fulgurant. Figure napoléonienne, Cali est au mieux quand il chante ses petits Waterloo personnels (la morne plaine, pas la chanson d’Abba). C’est souvent cruel (le fameux Je suis le veuf d’une trainée qui n’est pas encore morte), voire sado-masochiste, mais il excelle vraiment dans cet art de chanter les petites et grandes défaites. Dans L’Espoir, tout positif qu’il soit, Cali est ainsi encore capable d’écrire:  » Sur la route qui nous ramenait vers nos enfants ce matin-là / C’est le silence qui a taillé les veines de notre amour » ( Paola).

u CD chez EMI. u En concert le 26/03, à l’Ancienne Belgique (complet), et le 3/05 à Forest National, Bruxelles. u www.calimusic.fr

Texte LAURENT HOEBRECHTS

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