Denis Bajram aimerait être en BD l’équivalent des Beatles ou de Stanley Kubrick: « Des gars capables de faire de la pop sans se rouler dans le populaire. Faire des BD de genre en tirant le tout vers le haut. » Le Français sort aujourd’hui la suite de la deuxième partie de sa saga Universal War, prévue dès le départ, en 1997, en… trois cycles de six tomes. Un acte d’une arrogance folle pour cet érudit déguisé en geek qui n’avait alors qu’une brève série (Cryozone) à son actif. Mais Universal War One a fait les beaux jours de Soleil et fait aujourd’hui la météo chez Casterman, éditeur de Universal War Two, space opera immersif et spectaculaire, et très gros succès qui s’explique, en partie, par la parfaite connaissance du genre de son auteur.

Un jeune auteur qui signe en 1997 une série SF prévue en 18 albums, ce n’est pas banal…

J’avais reçu carte blanche, j’ai décidé de tout faire! J’y aborde quasiment tous les thèmes de la SF. J’avais le synopsis complet en tête dès l’écriture, trois fois six albums, à la Lucas! En espérant ne pas m’effondrer sur la fin…

A la Lucas sur la forme, pas sur le fond: pour toi, Star Wars c’est de la fantasy, pas de la SF…

Effectivement. Je ne suis pas intéressé par les quêtes personnelles, les histoires de nains ou d’elfes qui accomplissent une mission, sauvent le monde et trouvent leur père. La SF c’est au contraire un genre sociétal, politique, qui ne se focalise pas sur l’individu. Et ce n’est pas non plus une « littérature de l’imaginaire », dans le sens où mes récits ne se déroulent pas dans un autre monde. Dans Universal War, je grossis des traits, je n’ai pas l’impression d’inventer. Je me sens plus proche du roman policier que du Seigneur des anneaux.

Universal War One est sorti aux USA, chez Marvel. Comment les Américains perçoivent-ils ta SF?

Le patron de Marvel m’a dit que j’étais un pont au-dessus de l’Atlantique, ce qui est vrai: j’ai grandi avec Hergé pour le sein gauche, et Stan Lee pour le droit. Les Français me voient modernes, les Ricains me voient bien français. Des deux côtés, je suis naturel. En France, ceux qui m’ont ramené vers la BD franco-belge, ce sont des Bilal, des Schuiten, qui m’ont fait comprendre qu’on pouvait faire quelque chose en Europe dans le fantastique ou la SF. Une SF plus « intello », éloignée du thème du super-héros et qui se distingue dans la manière de traiter les personnages, très proche d’eux, de leurs sentiments, même dans d’énormes space operas. Dans Universal War, il y a presque un esprit Nouvelle Vague vu de là-bas.

Et vu d’ici?

Un gros éditeur m’a dit un jour, mais c’est un truc qui circule dans la BD, à la télé, dans le cinéma français: « La SF, ça ne vend pas. » C’est un genre totalement normalisé, mais c’est une des scies en France: ça ne vend pas, c’est clivant. Donc Blake & Mortimer (meilleure vente d’albums en 2013 derrière Astérix), ce n’est pas de la SF? Et Leo, qui a un énorme lectorat féminin, c’est clivant? En fait clivant, ça veut surtout dire « ménagères de moins de 50 ans ». La SF n’a jamais autant vendu en France, Universal War non plus, mais pour beaucoup, on en est encore là.

UW2 (TOME 2), DE DENIS BAJRAM, ÉDITIONS CASTERMAN, 48 PAGES.

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O.V.V.

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