Emmanuel Mouret nous invite… à l’Elysée, sur les pas du héros de son nouveau film, Fais-moi plaisir! Un bijou burlesque qui porte bien son titre et cultive avec humour le fantasme amoureux.

Jean-Jacques fantasme-t-il sur une autre femme? Ariane le croit, et pour sauver leur couple, pousse son compagnon à coucher avec « l’autre » pour le libérer de cette tentation qu’il ne veut pas s’avouer. L’identité de la rivale donnera un piquant supplémentaire à l’aventure… Sur la figure du triangle amoureux, revisitée sur le ton personnel qui fit déjà le prix de Changement d’adresse et de Un baiser s’il vous plaît, Emmanuel Mouret nous invite à une déambulation bien plaisante dans un Paris redécouvert. Nourri au meilleur burlesque et aux mots qui font mouche, le film offre un nouveau terrain de jeu au scénariste-réalisateur-interprète le plus original de sa génération.

En voyant votre film, en suivant les déambulations de votre héros, l’expression « de fil en aiguille » s’impose…

Il y a en effet du fil et de l’aiguille, quatre ou cinq idées fortes au départ et une idée structurelle qui va en faire une texture. Je ne travaille pas du tout comme un écrivain, mais comme quelqu’un qui essaie de composer quelque chose, comme on compose une pièce musicale ou un tableau, voire un moteur, à partir d’éléments différents qui vont se compléter une fois assemblés. Il m’a fallu moins d’une semaine pour finir le script de Fais-moi plaisir!

Parmi les éléments, plusieurs fantasmes sont au rendez-vous!

D’abord celui du petit mot qui séduit illico une femme à qui on le fait passer (moi qui prend souvent le train, que n’y ai-je rêvé!), et ensuite celui de la compagne qui – moderne – nous encourage à vivre notre fantasme d’une brève aventure sans se sentir trompée. Sans oublier bien sûr celui de voir la fille du président de la République tomber amoureuse de vous! A ce fil fantasmatique s’ajoutait celui des gags, comme celui de la fermeture Eclair prise dans le rideau. Et cette idée d’une nuit rocambolesque, propice à des aventures pleines de charme et de fééries…

On songe plus d’une fois au cinéma de Blake Edwards, à The Party en particulier.

J’avais en effet le désir d’un enchaînement de gags, comme Blake Edwards savait les réussir. Je ne joue pas au jeu de la citation, ni à celui de l’hommage. Il se fait simplement que mon amour du cinéma me fait puiser dans ce qui a été fait avant moi. Les numéros de clowns et d’acrobates s’inspirent toujours de numéros du passé, que l’on fait à sa propre façon, avec ses moyens techniques et physiques à soi. Ce qui est vrai du cirque est vrai du cinéma. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit aussi de proposer du plaisir en partage. Quand je mets mes pas dans ceux des burlesques anciens, je ne fais pas autre chose.

L’Elysée que vous nous faites découvrir est bien différent de celui qu’imaginent la plupart des gens, à l’heure où ce palais présidentiel et ses occupants font fantasmer plus que jamais!

Nous avons certes là un lieu devenu ces dernières années zone hautement fantasmatique. Par souci documentaire, j’ai voulu montrer aux spectateurs comment c’était vraiment (rire)! Non, bien sûr, le réalisme social ne m’intéresse pas. Je vais vers un réalisme féérique, un peu à la Alice au pays des merveilles

Avec aussi un petit côté Belphégor, vu les souterrains menant au palais?

Oui! On me demande régulièrement si ce souterrain existe réellement (rire)! L’important, c’est qu’il suscite un mystère. Pour moi, le cinéma ne doit pas être la vie. Les liens qu’il peut avoir avec la vie sont de l’ordre de la correspondance. Comme la musique ou la peinture. On s’aperçoit que la peinture la plus abstraite offre parfois les correspondances les plus fortes avec la vie, le sentiment…

Au début du film, votre personnage raconte l’histoire d’un homme qui lui-même raconte l’histoire d’un homme… Un récit à tiroirs, comme dans Le Manuscrit trouvé à Saragosse ou dans certains films de Bunuel…

J’aime prendre certaines libertés narratives. Ce n’est pas par hasard que mon roman préféré est Jacques le fataliste! Le plaisir est dans la liberté d’ouvrir un tiroir, puis de le refermer et d’en ouvrir un autre. C’est dans la nature même du jeu! Au cinéma, quand on écrit, on joue avec l’attente du spectateur. Je ne fais qu’essayer de jouer…

Pour actrices, vous avez conjugué fidélité (à Frédérique Bel) et nouveauté (avec Judith Godrèche). Un mot sur les deux?

Je ne me dis jamais à l’avance que je vais retravailler avec Frédérique… et je retravaille toujours avec elle! Les gens disent que nous faisons un beau couple, à l’écran. Et elle amène une fantaisie unique, elle peut être à la fois drôle et touchante, ce qui est très rare en France. Judith Godrèche, je rêvais de tourner avec elle depuis longtemps déjà. Je lui avais envoyé plusieurs scénarios… qu’elle n’a jamais reçus. Je suis très sensible à sa beauté, d’autant qu’elle y ajoute la drôlerie.

Entretien Louis Danvers

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