AVEC L’EXPO BONOM, LE SINGE BOITEUX, VINCENT GLOWINSKI ET IAN DYKMANS CROISENT LEUR REGARD SUR LE GRAFFEUR TOUT EN SOULIGNANT L’EXTRAORDINAIRE PUISSANCE ARTISTIQUE DE SON oeUVRE. COHÉRENCE À TOUS LES ÉTAGES.

Adrien Grimmeau, le curateur, prévient d’emblée: « Quand on expose un personnage comme Bonom, on ne peut pas jouer les innocents et faire comme si de rien n’était. L’attente est considérable par rapport à celui qui a marqué au fer blanc l’inconscient collectif bruxellois. En raison de cela, il était impensable de faire une exposition simplement chronologique ou bêtement exhaustive, notre but commun consistait à planter une atmosphère, à restituer sa présence dans la ville, mais également à aller au-delà, dans les profondeurs où Bonom a jailli de Vincent Glowinski. »

Sans que le parcours de l’exposition soit définitivement arrêté à l’heure d’écrire ces lignes, l’auteur de Dehors!, la biographie officielle de l’art urbain bruxellois, nous guide parmi ses méandres. L’accrochage présenté a pour ambition de « tourner la page Bonom » dans le chef de Vincent Glowinski (lire par ailleurs) en le refaisant vivre une dernière fois. Cette liquidation totale -qui heureusement ne relève pas de la faillite artistique- offre la possibilité de jeter un regard inédit sur le travail accompli, permettant d’en dégager la profonde cohérence.

Concrètement, l’exposition de l’Iselp est déroulée sur deux niveaux. Le rez-de-chaussée est dédié à l’épatant travail photographique d’Ian Dykmans (lire l’encadré), tandis que le sous-sol fait place aux oeuvres en série de Vincent Glowinski ainsi qu’à différents extraits vidéo de ses performances. Arrivé à la passerelle en verre qui marque une rupture dans les volumes de L’Institut supérieur pour l’étude du langage plastique, Adrien Grimmeau pointe l’index vers la droite:

« Le début de l’accrochage est marqué par l’identification, le visiteur découvre les photographies des oeuvres de Bonom telles qu’on peut les voir de jour. » Ce premier contact s’ouvre sur une image ahurissante, reprise sur l’invitation. Celle-ci montre Bonom en apesanteur dans le ciel bruxellois. Montage? Un regard attentif permet d’en savoir plus. Une partie d’un montant d’une grue et un fil livrent l’explication. En réalité, sans le moindre trucage, Bonom se livre à un numéro d’acrobate au-dessus de la Gare de la Chapelle. Surréaliste. Bien sûr, on ne peut s’empêcher de laisser courir les interprétations. Est-il singe pris au collet de la loi et montré en pâture à la foule ou simplement insaisissable homme-araignée? La réponse est à imaginer. La lecture d’Adrien Grimmeau est moins romanesque et surtout plus pertinente. « Cette première partie d’images diurnes annonce la parfaite complémentarité des travaux de Glowinski et de Dykmans. Il faut comprendre que sans le regard du photographe, la démarche ne se laisse pas appréhender… Mais il ne s’agit pas d’un simple travail d’archivage comme c’est souvent le cas avec l’art urbain. Ici l’approche de Ian Dykmans n’est pas là pour rendre compte, elle complète en donnant à voir la manière dont les fresques habitent le paysage urbain.  »

S’enfoncer dans la nuit

Après la passerelle, on débarque dans une première salle. « Au fil du parcours, le spectateur pénètre dans la temporalité nocturne de l’oeuvre, celle qu’il ne voit jamais. Elle est renforcée par les tirages d’Ian qui accentuent la confusion temporelle. La perte de lisibilité qu’implique le procédé photographique qu’il a choisi renforce la légende Bonom, ce n’est pas par hasard que Vincent Glowinski a choisi de travailler avec lui, il a compris qu’ayant le nez sur les murs, lui échappait la dimension performative de son travail. Encore fallait-il un arrêt sur image qui vibre à l’unisson de l’intensité à l’oeuvre… « , commente Grimmeau. A cette première salle dédiée au côté obscur de Bonom succède une seconde baptisée « la caverne » qui enfonce le clou de la nécessité et de l’urgence créative. « On n’est plus dans le débat, le graffiti et la légitimité… On se trouve au-delà, un artiste urbain exceptionnel est suivi par un photographe exceptionnel et ça fait sens« , analyse Adrien Grimmeau. Avant de descendre, on s’arrête sur le squelette d’un serpent accroché au plafond et suspendu dans le vide à la droite de la passerelle. Celui-ci, né de l’un des motifs phare de Glowinski, à savoir les os, se comprend comme une variation tridimensionnelle née d’une collaboration avec le bourrelier Geoffrey Corman.

Il n’est pas surprenant de devoir ensuite descendre pour accéder à un autre niveau de Bonom, on touche alors à celui qui dans l’ombre tire les fils, l’inconscient de Vincent Glowinski. On y découvre les thématiques récurrentes, celles que, comme l’écrit Adrien Grimmeau, « Vincent peint de manière frénétique et obsessionnelle(…) comme pour (les) épuiser, créant des séries où le geste se délie progressivement, (…), jusqu’à opérer un transfert entre le sujet et son objet« . Au fond, une salle obscure projette Human Brush, Méduses et Duo à l’encre, soit les performances à travers lesquelles l’artiste renaît et se réinvente, dessinant par-là un après-Bonom plus que prometteur.

BONOM, LE SINGE BOITEUX, VINCENT GLOWINSKI ET IAN DYKMANS, ISELP, 31B, BD DE WATERLOO, À 1000 BRUXELLES. WWW.ISELP.BE JUSQU’AU 22/03.

UNE MONOGRAPHIE BONOM, LE SINGE BOITEUX DE VINCENT GLOWINSKI ET IAN DYCKMANS EST PUBLIÉE À L’OCCASION DE L’EXPOSITION. IL S’AGIT D’UNE COÉDITION L’ISELP – CFC EDITIONS.

TEXTE Michel Verlinden

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