Dans ce jardin qu’on aimait

De Pascal Quignard, éditions Grasset, 170 pages.

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Au cours de son ministère durant les années 1860-1880, le révérend Simeon Pease Cheney est le premier compositeur moderne à avoir noté tous les chants d’oiseaux venus pépier dans le jardin de sa cure. Mais pas seulement…« Le seau, où la pluie s’égoutte, qui pleure sous la gouttière de zinc, près de la marche en pierre de la cuisine, est un psaume! Je vais vous jouer le morceau de musique que fait le vent quand il s’engouffre dans le portemanteau du corridor de la cure. » Pour la beauté de la nature, pour ne pas faire le deuil de sa jeune épouse morte en couches, cet homme d’église a délaissé Dieu. Devenu une sorte d’ermite solitaire, préparant la table pour « manger seul à deux », Simeon ira jusqu’à chasser sa fille, celle-ci ressemblant de plus en plus à la femme qu’il aime éperdument. Pour conter la double histoire de ce musicien et ornithologue dévoué à sa chère disparue et à la nature, ainsi que le destin d’une femme célibataire désirant faire connaître à tout prix l’oeuvre méconnue de son père, l’auteur de Tous les matins du monde emprunte une forme singulière: « Une suite de scènes, amples, tristes, lentes à se mouvoir, polies, tranquilles, cérémonieuses, très proches des spectacles de nô du monde japonais d’autrefois. » Où la lecture (re)devient un cérémonial. Où peu à peu la pénombre se tisse et se défait. Où les rituels sont comme des restaurations silencieuses. On comprend dès la première phrase -son rythme, la sensation qu’elle procure- de quel bois on se chauffe. Dans un format très libre, entre théâtre, poésie et roman, Quignard enchante un livre de l’amour fou, de la réconciliation des âmes. « à la fin restent les douleurs! De prodigieux chemins hantés. »

F.DE.

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