Jeune Londonien drôle et doué, FrYars signe un premier disque pop à souhait et nous ouvre ses portes.

On est un peu à l’avance mais visiblement il s’en fout. FrYars, alias Ben Garrett, nous a donné rendez-vous chez lui. Du moins chez ses parents. A 5 minutes à peine de l’arrêt de métro Golders Green. Dans un joli quartier résidentiel du nord de Londres.  » J’habite ici avec mes vieux et une dizaine d’ouvriers polonais« , rigole le jeune Anglais de 20 ans. De l’or dans les doigts, du noir dans la voix. C’est vrai que c’est un peu le bordel. La peinture sur les murs est encore toute fraîche et du plastic recouvre le sol. Un peu comme dans les films de gangsters. Quand les mafieux veulent éviter les indices et les taches sur la moquette…

Après nous avoir servi une tasse de thé – on est british ou on ne l’est pas -, Ben nous emmène dans sa chambre. Enfin, son studio.  » J’y ai déjà bien réfléchi. Mika et Lily Allen vivent encore chez leurs parents alors qu’ils sont multimillionnaires et beaucoup plus vieux que moi. J’aimerais bien posséder ma petite tanière mais ça fait plaisir à ma mère que je reste à la maison. Elle me soigne aux petits oignons. Puis, j’ai tout le temps de me consacrer à la musique. »

Les parents de Ben bossent tous les deux dans le cinéma. Sa maternelle cherche des scénarios. Chasse de nouveaux talents. Son père est producteur. Leur rejeton, très tôt fasciné par la batterie, les marches militaires puis la mauvaise pop music, a commencé à écrire des chansons vers l’âge de 16 ans. Sur son ordinateur. Il a décidé de se faire appeler FrYars parce que c’est facile à googleiser (il tape son nom tous les jours dans le moteur de recherche). Avec un grand y en hommage à KanYe West.  » Je n’aime pas les boîtes de nuit. Je passe une bonne partie de mon temps à la maison et quand je ne regarde pas la télé, je suis sur mon clavier. Je ne suis pas né avec un ordi dans l’estomac. Je suis même tombé dans l’informatique plutôt tardivement. Mais je dois bien reconnaître que la découverte de Fruity Loops, un logiciel de musique très basique, m’a servi de déclic. »

Rapidement repéré, Ben a enregistré pas mal de démos sur le compte de majors: Islands (Universal), Mute (EMI)… Puis a décidé de ne pas bosser avec elles. Histoire d’éviter la pression qui risquait de lui peser sur les épaules.  » Le genre de truc dont tu ne te remets pas sans un succès plus ou moins immédiat. »

Magritte, Tintin et Vermaelen…

 » Tu aurais dû mourir cette nuit-là. Tu as de la chance que je ne sois pas né meurtrier. » Comme le reflètent ces quelques mots extraits de The Ides, l’une de ses toutes premières chansons, FrYars a un petit penchant pour l’humour noir. « Certains me comparent à Patrick Wolf mais là où lui s’apitoie, je vois les choses avec davantage d’humour et de cynisme, fait-il poliment remarquer. Et quand on me demande de quitter la scène, je dis juste bye bye. (1) »

La presse et les bloggeurs ont déjà pas mal disserté sur les paroles de Ben. Notamment après avoir entendu Madeline, chanson évoquant une petite fille disparue. Mais pas celle que vous pensez.  » Je l’ai écrite avant que la petite Maddie McCann disparaisse.« Surréaliste. Et plutôt deux fois qu’une. La pochette de son premier album est une référence à Magritte.  » J’aime bien mais faut pas me poser trop de questions. J’y connais pas grand-chose en peinture. »

En attendant, le garçon est plutôt familier avec la Belgique. Ben est fan de Tintin ( » d’habitude, j’ai 5 cadres du petit reporter accrochés au mur« ) et de Thomas Vermaelen, en bon supporter d’Arsenal, abonné à l’Emirates Stadium.  » Il est défenseur et c’est l’un de nos meilleurs buteurs. Ecoutez, j’ai enregistré par hasard l’ambiance dans le stade lors de l’un de ses buts« , se fend le grand échalas en tripotant son ordinateur.  » En plus, j’ai toujours beaucoup de mal à dégager l’un ou l’autre groupe qui me plaît. Là, vous pouvez voir tout ce que j’ai écouté récemment.  » Sufjan Stevens, Nick Drake, les Talking Heads, Antony and the Johnsons, Ennio Morricone, Sam Cooke…

C’est néanmoins Dave Gahan qui vient pousser la chansonnette sur Dark Young Hearts, son premier disque. Même si FrYars n’est pas le plus grand fan au monde des eighties, son album flaire bon les années 80.  » Sans doute à cause de mon accent similaire à certains artistes de l’époque mais aussi à l’utilisation d’instruments électroniques. Luke Smith, du groupe Clor avec qui j’ai travaillé, bossait sur Sounds of the Universe de Depeche Mode avec Ben Hillier. Dave Gahan a entendu la chanson et lui a dit qu’il voulait chanter dessus. C’est quelqu’un de très passionné. Je ne l’ai jamais vu en chair et en os. Juste parlé via Skype. » Puisse FrYars à tout le moins rencontrer le succès.

(1) Wolf a insulté et agressé il y a quelques mois une pauvre dame qui avait eu le malheur de lui couper son micro pour respecter les timings d’un festival à Cologne.

Rencontre Julien Broquet, à Londres.

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