FINI LES CHANTEURS ET LA POP FUTURISTE, BATTLES BOSSE SON MATH ET RESSERRE LE JEU AVEC LA DI DA DI. UN TROISIÈME ALBUM PHYSIQUE ET BRAINY

Bruxelles. Rue Antoine Dansaert. Comptoir en béton armé et déco en bois non traité. C’est dans un bar brut qu’on a rendez-vous avec Battles. Ça tombe bien. Sec, tendu, anguleux, mais forcément tordu, leur nouvel album l’est aussi. Un disque de Battles, c’est toujours un événement. Déjà, ça n’arrive que tous les quatre ans. Comme un Euro, une Coupe du monde, un 29 février et des Jeux olympiques… Ce n’est jamais non plus vraiment ce qu’on en attend.

Rien, niets, nada… Pas de bio, pas de pochette, pas de titre d’album ni même de noms de chansons. Quand on rencontre le grand John Stanier et le toujours rigolard Dave Konopka début juin, pratiquement aucune information n’a filtré. « On ne discute jamais vraiment avant de se mettre à jouer, explique ce dernier. Tout au plus avait-on évoqué l’idée de se déshabiller. Je parle d’un point de vue musical. J’avais proposé de se foutre à poil. Je m’étais dit que si nous enregistrions nus, les gens pourraient percevoir toute notre vulnérabilité, mais les autres n’ont pas voulu. Plus sérieusement, on s’était juste mis d’accord lors d’un dîner à Amsterdam sur le fait d’être un peu plus minimaliste. On était encore en train de tourner avec Gloss Drop à l’époque. »

Plus de voix, de Gary Numan, de Matias Agayo ou de Kazu Makino (Blonde Redhead)… La rupture est nette. Le regard tourné vers l’avenir, Battles s’en retourne aux sources. A une musique instrumentale. Un math rock futuriste et radical. Dans un premier temps, l’album nous est d’ailleurs parvenu en un seul fichier digital. « Une initiative du label. On s’en fout un peu, mais c’est bien comme ça. On y exhibe un spectre assez large de muscles. On l’a approché comme un disque à écouter d’une traite. C’est pas comme si on voulait présenter le nouveau Ice Cream. »

Borné

Les tueries de cette troisième plaque intitulée La Di Da Di (une référence à un morceau rap a capella de Slick Rick et Doug E. Fresh) s’appellent Summer Simmer, Tricentennial et surtout Dot Com. Stanier habitant à Berlin depuis quatre ans maintenant, Konopka et Ian Williams (leur guitariste qui drague sur le Beta Band dans High Fidelity) à New York, les trois Américains ont d’abord planché sur ces douze nouveaux titres et emmagasiné du matériel chacun dans leur coin. Le grand John trouvant le temps d’enregistrer et de tourner avec Tomahawk et son pote Mike Patton, mais aussi de donner un petit coup de main à l’électronicien Rone,

« Quand on s’est réunis, on a réalisé qu’on avait tous une idée et une approche différentes du minimalisme, poursuit Konopka. La mienne, c’était les montées lentes, l’espace. Ian nous voyait jouer chacun à notre tour. Mais on a réussi à combiner les architectures. Et puis, quand la batterie arrive, la musique devient de toute façon un tout autre animal. »

Perturbé par le départ de Tyondai Braxton, l’accouchement de Gloss Drop s’était fait dans la douleur. Celui de La Di Da Di fut moins laborieux. « Le label nous a un peu pressés. Mais on lui a lâché mon expression préférée: plus sombre est la baie, plus doux est le breuvage », sourit Konopka. « Le plus compliqué fut d’entrer en studio, enchaîne Stanier. Certains trucs personnels nous ont pris du temps. Puis, quand on a eu assez de matériel, on n’était pas sûrs d’être prêts. On a un peu dû se forcer sinon rien ne serait sorti avant l’an prochain. Nous avons très vite écarté l’idée de revenir avec des chanteurs. Pas parce que ça aurait été compliqué à mettre en place mais parce que nous l’avions déjà fait. Puis, on ne voulait pas qu’une quatrième personne rejoigne le groupe. »

Battles a déjà ses collaborateurs attitrés, Seth Manchester et Keith Souza, chez qui il s’en est une nouvelle fois parti enregistrer. « C’est un peu comme les Flaming Lips qui travaillent toujours avec Dave Fridmann. Seth est génial et fait partie de notre processus d’enregistrement depuis Mirrored. Il nous a vus au top et dans la merde jusqu’au cou. Il nous connaît bien. On est assez uniques, je pense. On a une façon très bizarre de travailler. La communication n’est pas toujours notre fort… Et la manière qu’on a d’imbriquer les choses rend le processus assez particulier. Il comprend quand il manque un truc, quand ça ne marche pas comme ça devrait. Je ne peux pas nous imaginer enregistrer avec quelqu’un d’autre. Lui et son équipe sont comme des accoucheuses. Ils nous aident à sortir le bébé. On arrive toujours avec un tas d’idées. On essaie de les assembler et de leur donner du sens. Je leur fais confiance à 100 % quand je leur demande conseil. »

Konopka avait décortiqué les deuxièmes albums des Talking Heads, de Billie Holiday et de Pink Floyd pendant la création de Gloss Drop. Il n’a pas remis le couvert avec des troisièmes disques cette fois. « Tu sais ce que j’ai beaucoup écouté? » Stanier: « Le Greatest Hits de Bob Marley, le premier Fugees? » « J’ai beaucoup écouté Herbie Hancock. Et le premier Chick Corea que John m’a acheté pour mon anniversaire… »

On pensait plutôt à de la musique de science-fiction. Un terrain sur lequel on verrait bien Battles un jour s’aventurer. « Je suis davantage branché BO que sci-fi, achève Stanier. Celle de Sorcerer de William Friedkin par Tangerine Dream est fabuleuse. Celles d’Earthquake et de The Deep le sont aussi. En plus, c’est un vinyle bleu… Notre contrôle de qualité est tellement élevé que ça nous prendrait deux ans de composer une bande originale. On est un groupe très borné. En même temps, ça pourrait être une bonne chose. Je suis super ouvert à l’idée. Mais on ne nous a jamais rien proposé. » Un réalisateur averti en vaut deux.

LA DI DA DI, DISTRIBUÉ PAR WARP.

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LE 29/10 AU GRAND MIX ET LE 03/11 À L’ORANGERIE.

RENCONTRE Julien Broquet

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