De Abbas Kiarostami. Avec Juliette Binoche, William Shimell, Jean-Claude Carrière. 1 h 46. Sortie: 19/05.

Choisissant de tourner pour la première fois une fiction en dehors de l’Iran, c’est vers l’Italie qu’Abbas Kiarostami a porté son regard; un mouvement somme toute naturel, pour un réalisateur dont le cinéma est l’héritier de celui de Rossellini. A quoi s’ajoute que son nouveau film, Copie conforme, instruit notamment une réflexion sur l’art, parfaitement sertie dans cet environnement transalpin. On y découvre un auteur britannique (le chanteur d’opéra William Shimell), venu présenter l’essai qu’il a écrit sur le rapport entre copie et original, et la thèse que c’est finalement moins l’objet que le regard que l’on porte sur lui qui importe. Dans l’assistance, une femme, française et galeriste (Juliette Binoche), qui, si elle semble ne prêter qu’une oreille distraite à ses propos, lui propose néanmoins de poursuivre la réflexion, le temps d’une balade sous les cieux toscans.

Comme souvent chez Kiarostami, la conversation débute dans une voiture, le duo brassant des concepts artistiques divers avant de s’arrêter dans le village de Lucignano. C’est là que, sous l’impulsion de la femme, et de façon pour ainsi dire ludique dans un premier temps, le c£ur de la discussion bascule pour embrasser le terrain fertile des sentiments, alors que se pose la question de la nature de leur relation -s’agit-il d’une rencontre fortuite, ou de retrouvailles? Et le film de s’installer au c£ur d’un dialogue amoureux insolite, dans une configuration où la distinction entre vérité et mensonge se fait de plus en plus opaque, non sans que la partition rejoue le thème universel de la possible (re)construction d’un couple.

Nouvel élan

C’est donc du côté du Voyage en Italie de Rossellini que laboure un Kiarostami qui signe une histoire de faux-semblants, un film en trompe-l’£il et un labyrinthe dans lequel on s’égare d’autant plus volontiers qu’il épouse la délicatesse des paysages toscans mais encore la précision des constructions du cinéaste iranien. Si l’on retrouve, dans Copie conforme, les interrogations qui irriguent une bonne partie de l’£uvre du réalisateur, et notamment celles portant sur le rapport entre réalité et fiction, le film traduit assurément un nouvel élan dans sa filmographie. Plus, peut-être, que jamais auparavant, le questionnement de l’auteur de Au travers des oliviers, d’une expression austère dans un premier temps, se voit bientôt contaminé et même submergé par la vie, en un mouvement irrésistible qui l’emporte sur toute autre considération. Copie conforme y trouve une vibration incandescente, qu’incarne à merveille Juliette Binoche, filmée au plus près et s’abandonnant, vulnérable et frémissante, à la caméra, en même temps que la vérité des émotions supplante celle de la raison. A la mesure de l’intensité des sentiments, la magie du cinéma opère là comme rarement. Abordant un territoire fascinant, ce voyage en Italie prend alors des allures d’enchantement…

Jean-François Pluijgers

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