Déferlante gastronomique sur le petit écran. Où le contenu de l’assiette est moins important que ce qui l’entoure: l’hédonisme, l’authenticité, la rencontre…

Dans l’âtre, le feu fait crépiter les bûches. Ça sent le canard, dans la cuisine. Les épices, le chutney de pommes qui mijote doucement… Agnès, coquette quadra, dresse la table: elle varie les couleurs d’assiettes, de verres et dispose les éléments de déco. Très importante, la déco. Elle détaille à haute voix tout ce qu’elle fait: « Là, je vais mettre deux milieux de table, que j’ai faits simplement avec du persil et des fleurs… » Un caméraman se tortille autour d’elle, zoome et dézoome sur les cloches en verre qu’elle pose sur sa nappe. Le réalisateur commande: « Maintenant, tu dis « La table est mise » , puis tu donnes l’heure… » Agnès s’exécute. Il est 18 h 30 et dans sa superbe fermette de La Bruyère (Namur), cette juriste mère de cinq enfants s’apprête à passer une soirée tout à fait exceptionnelle: Un dîner presque parfait. Elle participe à cette émission de télé qui est devenue un vrai phénomène en Belgique, après avoir conquis la France. Diffusée depuis le début de la saison télévisuelle sur Plug RTL, cette téléréalité gastronomique diffusée par M6 (et tirée d’un concept britannique) a fait un tel carton sur cette antenne que RTL TVI a flairé le bon filon à exploiter, et l’a rapatriée sur son antenne. Mieux, elle a décidé de lui donner un ancrage local et a chargé la boîte de production Everlasting de lui fabriquer la déclinaison belgo-belge du programme, qui débarquera sur nos écrans le 9 février.

Principe: cinq personnes d’une même région s’invitent à dîner l’une chez l’autre pendant cinq soirs. C’est un concours, où le meilleur hôte de la semaine reçoit 1000 euros. Les concurrents se notent donc mutuellement sur la qualité du repas, la décoration et l’ambiance. Pour l’ambiance, les choses s’annoncent plutôt bien pour l’hôtesse du jour: hier, les candidats ont mangé chez Olivier, fan de Chantal Goya qui leur a fait un show pas possible, et sont tous repartis copains – et pompettes, en taxi.

Feel good télévision

19 h, les invités sonnent à la porte, les bras chargés de cadeaux. Du vin, des bougies, des biscuits, et même un panier en tissu brodé du logo de l’émission déjà culte – c’est dire l’implication. Les bouchons sautent et les convives dégustent un mousseux produit à 500 mètres de là – Agnès craint d’ailleurs la mauvaise publicité que ça ferait à son voisin vigneron si les invités déclaraient ne pas l’aimer. Mais non. Les invités, ils adorent. Les yeux pétillent comme les verres. Ce n’est « que du bonheur », cette émission, lâche Olivier, déjà épuisé mais tellement heureux de participer à l’aventure.

Un dîner presque parfait, on l’aura compris, est moins une émission culinaire qu’un programme d’atmosphère. On est en plein dans la « feel good télévision ». Une télé où petites gens et grands bourgeois partagent leurs tables et leurs passions, où l’effort est récompensé, où les bonheurs les plus simples sont les plus intenses, et les boîtes de nuit enfumées boudées au profit de chaleureux foyers, plus authentiques.

La nourriture rassemble: la télévision le découvre seulement maintenant, alors que le cinéma s’en est emparé depuis longtemps déjà. Du Festin de Babette à Ratatouille en passant par L’attaque de la moussaka géante et La Graine et le mulet. Ce dernier film illustre d’ailleurs à merveille à quel point un repas peut être chargé en symbolique: autour d’un simple plat de couscous (la graine) au poisson (le mulet), se joue le destin d’un homme – arrivera-t-il à convaincre la municipalité de lui laisser ouvrir un restaurant? Autour de quelques casseroles, ses proches s’allient pour un témoignage d’amour absolument bouleversant. La sensualité des corps se confond avec celle de l’assiette, qu’on termine avec les doigts. Déterminante aussi, la ripaille dans la série Desperate Housewives, où les tartes aux citrons, muffins aux myrtilles et autres crumbles cristallisent la rivalité entre voisines: leur réussite sociale s’exprimant à travers le goût de leurs pâtes et glaçages.

A la télé (et même à la radio), on adore les programmes qui mettent en scène la nourriture et surtout la comédie humaine qui se joue autour d’elles (les cours de cuisine filmés étant devenus eux carrément has been). La RTBF a embauché Gérard Corbiau cet été pour une série gastronomico-culturelle présentée par Pierre Wynants, La Première et Bel RTL ont leurs émissions goûtues (l’une sur les produits, l’autre sur les restos), TF1 débute le 2 février un programme court où une personne va cuisiner chez une autre qu’elle ne connaît pas, et Plug aligne les pépites juteuses: Top Chef, Le Chef contre-attaque, Lifestyle spécial cuisine

Dans la villa d’Agnès, à La Bruyère, la salle de jeux a été transformée en régie. L’apéro terminé, les convives s’apprêtent à découvrir l’aumônière de foie gras mitonnée par la cuisinière du jour… « La grande chance ici, estime Agnès, c’est que les gens disent les choses de façon gentille. Ils ne critiquent que les plats, pas les personnes. »

L’antithèse de la trash TV, en somme. On assiste peut-être à un renversement de la vapeur – et des valeurs – sur l’écran cathodique.

Un dîner presque parfait, du lundi au vendredi à 17 h 35 sur RTL TVI. Une semaine par mois, le dîner sera belge. Le reste du temps, RTL diffuse les émissions de M6. Plug met à l’antenne d’anciens numéros à 19 h 30, et propose le dimanche à 11 h 40 la rediffusion de toutes les émissions de la semaine, de TVI.

Texte: Myriam Leroy

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