Les Watchmen de Dave Gibbons et Alan Moore déployant leurs fêlures sur grand écran, c’est en quelque sorte l’aboutissement d’un processus qui a vu le Septième art puiser toujours plus abondamment à la manne du Neuvième. Sans même remonter à l’époque pratiquement antédiluvienne qui voyait les aventures de Flash Gordon et autre Batman déclinées en serials, voilà quelques décennies maintenant que cinéma et comics américains entretiennent une relation qui de timide – qui se souvient du Prince Valiant de Henry Hathaway en 1954, voire même du Batman de Leslie Martinson 12 ans plus tard, deux sommets incontestés du kitsch – s’est muée en soutenue.

Un premier cap est franchi à la fin des années 70, avec le Superman de Richard Donner, adaptation du comic de Jerry Siegel et Joe Shuster, où Christopher Reeve prête ses traits au super-héros. Le succès est au rendez-vous, si bien que le film connaîtra diverses suites, et suscitera un ersatz fumeux, Helen Slater campant une Supergirl dont les aventures resteront toutefois sans lendemain. Dix ans après Superman, c’est au tour d’une autre star du catalogue DC Comics, à savoir Batman, d’envahir les écrans. Avec Gotham City, Tim Burton trouve un univers à sa main: le monde imaginé par Bob Kane se fait gothique, et peuplé de figures troubles, du Batman de Michael Keaton au Joker de Jack Nicholson. Là encore, les suites seront nombreuses – magistrale pour Batman Returns du même Burton; piteuses sous la houlette de Joël Schumacher (glissons un voile pudique sur l’apparition de George Clooney en collants dans Batman & Robin), avant que Christopher Nolan ne vienne, beaucoup plus récemment, ranimer le feu de la franchise.

À TOUTES LES SAUCES

Entre-temps, l’adaptation de comics est devenue un genre cinématographique à part entière. Encore hésitant dans les années 90 (avec le Dick Tracy de Warren Beatty, l’élastique The Mask de Chuck Russell, le gothique The Crow d’Alex Proyas ou le nostalgique Phantom de Simon Wincer), le mouvement se généralise au tournant du siècle, après le succès des X-Men de Bryan Singer, d’après la BD de Stan Lee et Jack Kirby. Dans la foulée, les super-héros de la Marvel inondent les écrans, pour le meilleur – l’épatant Spider-Man de Sam Raimi et Tobey Maguire en ses multiples déclinaisons, Iron Man -, le moins bon – Blade, Hulk – et le franchement calamiteux – Les 4 fantastiques et autres Ghost Rider et Daredevil. A leurs côtés, un Hellboy émargeant, comme Pamela Barb Wire Anderson, à la maison Dark Horse, et d’autres encore… comme le Spirit de Will Eisner, impitoyablement crucifié par Frank Miller.

Miller est aussi, aux côtés d’Alan Moore, l’un des représentants les plus fameux d’une autre source d’inspiration majeure du cinéma, le roman graphique. Sin City et 300 pour l’un, The League of Extraordinary Gentlemen, From Hell et V for Vendetta pour l’autre, ont été transposés avec plus ou moins de bonheur. Toutes adaptées de bandes dessinées, des réussites comme A History of Violence, Road to Perdition, American Splendor ou Ghost World sont par ailleurs là pour nous rappeler que la case peut parfois avantageusement se substituer au story-board…

Jean-François Pluijgers

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