OBSERVATEURS ATTENTIFS DE LA NATURE, LES AUTEURS DE MICROCOSMOS ONT FAIT D’UNEMARE LE CADRE DE LEUR 3E LONG MÉTRAGE, LA CLÉ DES CHAMPS.

On en avait eu la démonstration il y a 13 ans, lors de la sortie de Microcosmos, le peuple de l’herbe, leur premier film: Claude Nuridsany et Marie Pérennou n’ont pas leur pareil pour exalter la beauté de la nature jusque dans ses expressions les plus infimes. Cette passion commune, ils l’ont découverte dans la fièvre de leurs 20 ans, alors qu’ils fréquentaient de concert les travées de la Cinémathèque française. Trente ans et divers travaux photographiques et cinématographiques plus tard, la flamme est à l’évidence intacte, comme en atteste La clé des champs, leur 3e long métrage ( Genesis est sorti entre-temps), qui voit le couple aveyronnais investir une mare abandonnée, dont 2 enfants solitaires vont faire leur terrain de jeu privilégié.

A travers leur regard, c’est un royaume insoupçonné qui va se dévoiler au spectateur, en une féerie sous-tendue par une philosophie toute particulière: « Notre relation à la nature dans le cadre du cinéma n’est pas une relation réaliste ou naturaliste, elle est plutôt d’ordre fantasmé, explique Claude Nuridsany alors qu’on les rencontre à la Mostra de Venise. Pour nous, la nature et les animaux sont des invitations à imaginer plutôt qu’à constater. Les animaux sont des mystères fertiles sur lesquels on peut projeter un tas de choses. Les montrer dans leur splendeur, parfois terrifiante, nous intéresse beaucoup plus qu’expliquer leur mode de vie. C’est une illusion de penser que l’on comprend ce qu’ils sont vraiment. »

Travail de fourmi

Plus de 3 ans ont été nécessaires à la réalisation de La clé des champs -la concrétisation d’un véritable travail de… fourmi, ne devant rien au hasard. Si, par exemple, le peuple de l’eau s’y livre à d’étranges chorégraphies, il y a là le résultat d’observations minutieuses. « On ne filme pas les animaux lorsque l’occasion se présente, parce qu’il existe une chance que quelque chose se produise devant la caméra. Nous avons travaillé comme sur un casting d’animaux au niveau de l’écriture, et nous avons décidé de montrer tel ou tel animal à tel endroit du film. Le choix est dicté par de très longues observations, pendant lesquelles nous prenons des « notes dramaturgiques ». Après, il arrive que la nature nous offre plus que nous n’en demandons, comme avec les bébés rainettes. C’est aussi le but: un peu comme avec un acteur ou une actrice ayant son texte et son action, et avec qui il se passe un petit quelque chose au tout dernier moment qui fait que l’on obtient la grâce. »

L’émerveillement est dès lors une fois encore au rendez-vous d’un film qui emmène le documentaire animalier vers des terrains aussi inattendus que poétiques. « Des mares, il y en a dans toutes les campagnes, c’est quelque chose d’extrêmement banal. Mais il suffit de modifier le regard que l’on porte sur elles pour les considérer comme des trésors. » Et si le duo refuse de faire dans le « petit catéchisme écologique », il nourrit néanmoins des arrière-pensées: « Une sorte de contemplation émerveillée de la nature engendre forcément le sentiment qu’il faut en cesser avec le gâchis épouvantable qu’on est en train d’organiser. »

u LA CLÉ DES CHAMPS, DE CLAUDE NURIDSANY ET MARIE PÉRENNOU. AVEC SIMON DELAGNES, LINDSEY HENOCQUE, JEAN-CLAUDE AYRINHAC. 1 H 21. SORTIE: 21/12.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS, À VENISE

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