Trop discrète, Clarika trace une chanson à la fois féroce et drôle, tendre et sarcastique. La preuve avec son dernier Moi en mieux.
Au printemps dernier, Clarika sortait son cinquième album, Moi en mieux. Probablement son meilleur, truffé de chansons malignes, souvent à double tranchant, toujours faussement légères. De quoi enfin toucher le pactole? Après 15 ans, ce serait de bon ton. Anaïs, Jeanne Cherhal, Juliette, La Grande Sophie ou même Olivia Ruiz… Toutes représentent aujourd’hui cette « nouvelle scène » féminine française. Et Clarika? C’est l’éternelle oubliée de la série. Comme si elle avait eu le tort de venir trop tôt.
C’était au milieu des années 90. Claire Keszei de son vrai nom (1967, Boulogne-Billancourt) laissait alors tomber ses envies de théâtre. « J’ai commencé les cours, mais de manière assez dilettante. J’étais pas dans l’état d’esprit pour faire ça bien, je n’étais pas assez rigoureuse non plus. Je pense que ce n’était tout simplement pas mon truc en fait. Très vite, j’ai commencé à m’incruster dans des petits groupes de rock, je regardais les annonces dans Rock&Folk. Après, c’est la rencontre avec Jean-Jacques (Nyssen, ndlr) qui a déclenché le reste. » Rencontre artistique et amoureuse avec le belge musicien, qui perdure encore aujourd’hui. « On a envoyé une démo à Boucherie Productions. François Hadji-Lazaro a été un des premiers à répondre. C’est comme ça qu’on a signé. » Des chansons sur ce qui est encore à l’époque le label punk-rock alternatif français par excellence: le genre de pied de nez que la dame apprécie, elle qui reprend volontiers sur scène à la fois Trust et Nicole Croisille…
Tire-larmes
Début 2009, pour lancer son nouvel album, un premier simple est paru: le culotté Bien mérité. « Et tant pis pour ta gueule, si tu es né sous les bombes/Bah ouais tu l’as bien mérité », chante-t-elle notamment, avant de conclure « T’avais qu’à naître en France ». Vous entendez les dents grincer?… « Il a pu y avoir des appréhensions des programmateurs radios. Ils craignaient que les gens ne captent pas le second degré. Mais c’est prendre le public pour plus bête qu’il ne l’est. » C’est la première fois que la chanteuse est en tout cas si frontalement « politique ». « J’habite Belleville, un quartier populaire. Mes enfants vont dans une école très cosmopolite, où il y a effectivement pas mal de gamins dont les familles n’ont pas de papiers. Je mesure tous les jours les difficultés de ces gens-là. En même temps, je ne voulais pas donner de leçons non plus. » Pas plus d’ailleurs qu’elle ne souhaite mettre en avant son engagement très concret de parrainage d’une famille… ( « C’est pas grand-chose, et puis je ne veux pas en faire un argument pour la chanson »).
En fait, le trait caractéristique de Clarika reste ce mélange de pudeur et de sincérité crue, tendre et vache à la fois. C’est souvent féroce et drôle, à l’exemple de Moi en mieux (la tyrannie des corps parfaits) ou Rien de tel (qu’une petite chanson) sur la mort et la maladie. Voire complètement remuant, quand il s’agit de Lâche-moi, imparable tire-larmes sur cet insondable paradoxe parental: aimer toujours plus ses enfants pour mieux les laisser partir… « Pour le coup, c’est forcément très personnel. Je n’avais jamais écrit de chansons par rapport à mes filles: cela peut vite devenir auto-complaisant. C’est un exercice casse-gueule, souvent touchant, mais pas toujours très réussi. Le fait ici est que pour une fois, j’ai écrit à partir d’une musique. C’est elle qui m’a amené à ça. Sinon, je ne suis pas certaine que j’aurais osé me lancer… «
Clarika, Moi en mieux, chez Universal. En concert, le 16/01/2010, au Théâtre 140, à Bruxelles.
Laurent Hoebrechts
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