Et c’est reparti (de plus belle)! Avec ce numéro regonflé à bloc, repeint de frais, Focus siffle la fin de la récré. Bye bye les romans menthe à l’eau, les destinations carte postale, les apéros à rallonge et les orgies de BBQ. Rebonjour le stress, le patron, la crise, la grippe et les embouteillages. Seule consolation: après une relative torpeur estivale entrecoupée de coïts festivaliers – particulièrement aigus cette année -, la culture hisse à nouveau la grand-voile et largue les amarres. Cap sur la haute mer, sa houle, ses creux, ses sirènes, ses coups de tabac, ses colères homériques. La pêche s’annonce prometteuse: 659 romans (quelques grammes de papier en moins que l’an passé toutefois), des BD en rafales, des films par poignées, des CD – cette espèce en voie d’extinction – à la pelle… De quoi donner le tournis au derviche le plus expérimenté. Comment appréhender ce magma qui s’apprête à déferler sur les rives de nos mers intérieures? On peut picorer au petit bonheur la chance, en se fiant à un nom familier par exemple (Scorsese, Haneke, M, Jay-Z, Mika, Taniguchi, Satouf, Blain…). On peut aussi tenter de décoder, avant de la déflorer, cette boule en fusion dont chaque éclat reflète l’état sauvage du monde. Autrement dit, l’absorber en pensée pour en goûter la saveur dominante, en évaluer le degré d’acidité et en extraire le jus des préoccupations majeures de notre temps. A ce petit jeu du bilan anticipatif, un thème surnage, déchire le voile du babillage, c’est celui de l’ailleurs. Qui se trouve être – nécessité fait loi… – le titre d’un roman de Julia Leigh, réédité ces jours-ci en poche. L’ailleurs comme tentative d’échapper aux griffes d’une vie monotone ( Up et son vieillard aux semelles de vent), l’ailleurs pour fuir une identité à la merci des éléments (toile de fond de Un Prophète, le nouveau spasme de Jacques Audiard), l’ailleurs enfin comme déracinement sans retour (matrice des Trois femmes puissantes, le roman événement de Marie Ndiaye). Un ailleurs métaphysique le plus souvent, ressenti dans leur chair par les uns, dans leur tête par tous. Car tout le monde navigue à vue. Les nantis s’accrochent à leurs îles à la dérive, les damnés à des embarcations de fortune qui les conduiront « avec de la chance » aux portes de l’enfer. Du coup, l’homme cherche ailleurs son salut. Peut-être qu’au détour du ruisseau des mots, des images ou des notes s’esquissera un début de réponse, la promesse d’un lendemain qui chante. Faites-nous signe…
par laurent raphaël
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