TOM TYKWER S’EST ALLIÉ AUX WACHOWSKI POUR PORTER À L’ÉCRAN CLOUD ATLAS. UNE EXPÉRIENCE PARTICULIÈRE, PLEINE DE REBONDISSEMENTS.

De bonnes nouvelles sont arrivées du front oriental. Plus on va vers l’Est, plus le succès augmente. Et le film, qui s’est planté aux Etats-Unis après une réception critique pas vraiment enthousiaste, fait un carton en Chine! A Berlin, où il nous reçoit, Tom Tykwer respire, et s’interroge sur les raisons de pareil engouement asiatique pour un film que l’Amérique n’a pas trouvé à son goût… Le réalisateur allemand de Run Lola Run et de The International n’aura jamais vécu d’aventure cinématographique aussi ambitieuse, complexe et ardue que ce Cloud Atlas adapté d’un roman réputé inadaptable. Pas de quoi arrêter celui qui osa déjà porter à l’écran le tout aussi prétendument intransposable Parfum voici quelques années…

Tom souhaitait faire un film du livre de David Mitchell. Les Wachowski (la série Matrix) en possédaient les droits d’adaptation. « On a discuté un bout de temps, et comme on souhaitait tous trois réaliser le film, on a finalement décidé de partager le travail! » Cela semblait logique, vu « les nombreuses facettes du film, ses nombreux niveaux, chacun potentiellement porteur de défis, de difficultés« . Cela fut donc fait, de manière à la fois très organisée et très libre quand, par exemple, « l’un d’entre nous débarquait un matin sur le plateau d’un des deux autres, de telle manière que les acteurs ne savaient pas toujours qui allait les diriger selon le jour, le moment« … Le problème principal ne fut pourtant pas de restructurer le récit du roman pour l’adapter à une forme cinématographique -en en bousculant la chronologie, avant tout- mais bien plus basiquement d’arriver à boucler le financement du film! « Nous avons vécu tant de déceptions, tant de catastrophes, sur ce plan. Le montage financier semblait fait et puis trois investisseurs annonçaient simultanément leur retrait… et tout était à recommencer!« , se souvient un Tykwer pris d’un frisson rétrospectif en repensant « à ces dépenses que nous avions déjà entreprises en étant certains que l’argent serait là… sauf qu’il se débinait« . Une centaine de millions de dollars ne se trouve pas comme ça, quand on se pique de faire un film « totalement indépendant des studios« , et la course au budget, « menée pays par pays« , se révéla « aussi intense que mouvementée« . Une course au terme de laquelle les trois réalisateurs décidèrent de mettre leur cachet dans le pot commun, « au risque très probable de ne jamais être payés« …

Le pitch? Quel pitch?

« Le problème numéro un était qu’il ne s’agissait pas d’un film avec un seul réalisateur et un seul producteur, explique le natif de Wuppertal, les investisseurs n’aiment visiblement pas ça! » La Guilde des réalisateurs aux Etats-Unis non plus, qui a empêché notre interlocuteur et les Wachowski de figurer tous trois au générique en tant que réalisateurs! « Ils ont trop peur que les studios engagent un réalisateur pour les scènes d’action, un autre pour les scènes de comédie, etc., commente Tykwer, il y a donc deux génériques qui se suivent: l’américain et puis le nôtre, européen, où nous sommes crédités à égalité! » Après « quatre ans de folie, d’espoirs et de découragements« , Cloud Atlas put enfin exister, « une merveille née d’un rêve devenu cauchemar« … Le tournage, concentré sur 65 jours utiles, mobilisa quotidiennement cinq(!) plateaux, les réalisateurs passant de l’un à l’autre au gré des événements ou des envies. « Le désir est chose essentielle quand on fait du cinéma, mais il l’était plus encore cette fois-ci, tant toute cette aventure fut complexe et ne tint qu’à un cheveu… » Cloud Atlas, vaste et ambitieux projet, nécessitait au départ une vision. Celle-ci dut-elle ensuite se plier à bien des compromis? Le cinéaste réagit vivement: « La taille d’un projet n’affecte pas vraiment la quantité de compromis qu’on vous incite à faire. Notre grand atout, c’était qu’il n’y avait aucune comparaison possible entre ce film et d’autres tournés auparavant. On ne pouvait pas le « pitcher » en quelques mots façon: « C’est The Godfather rencontre Jaws. » Sans pitch, sinon il n’y a pas de film comme celui-là, obtenir l’argent est certes difficile. Mais ensuite, on ne vient pas sans cesse vous dire qu’il vaudrait mieux faire ceci ou cela parce que ça a marché dans tel ou tel film précédent… »

RENCONTRE LOUIS DANVERS, À BERLIN

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