Arabesque, Derrick, Columbo… L’inaction parfois scotche le téléspectateur. Vive les séries au ralenti.

errick n’est pas lent. Derrick prend son temps. » J’ai longtemps réfléchi à ce profil lu sur Facebook à la mort de Horst Tappert. Comment cette série et tant d’autres tout aussi sexy et trépidantes étaient-elles parvenues à séduire des millions de téléphages vibrant à la moindre sonnerie de téléphone paléolithique, s’agrippant à l’accoudoir de leur sofa au moindre pet de mouche alors qu’ils connaissent déjà le nom de l’assassin? Oui, je parlais de Columbo. Même si, dans le genre, je risque l’infar à chaque claquement de porte, j’aurais également pu citer Le Renard, Arabesque et Taggart…

Selon le sociologue suisse Thomas Sandoz, auteur du livre Derrick l’ordre des choses (éditions de l’Hèbe, 1999),  » le succès de Derrick ne tient pas au hasard. A bien y regarder, les enquêtes de l’Oberinspektor de la Kriminalpolizei munichoise en disent long sur les valeurs profondes de la société contemporaine, sur la façon dont le petit écran véhicule des idéaux et sur les phénomènes d’identification que l’on prête aux spectateurs. Il ne fait aucun doute que Derrick, par ses défauts aussi bien que ses qualités, agit comme une loupe culturelle ».

Cela tombe bien. De la sorte, les retraités y voient toujours clair. Car psychologue, droit, malin, philosophe à ses heures perdues, mais toujours non violent, Derrick est un peu le MacGyver des pensionnés. Dans son analyse, Sandoz cherche à démontrer que  » la série Derrick dit quelque chose de la façon dont l’homme d’aujourd’hui se heurte à la justice, aux normes sociales et à l’angoisse des temps futurs« .

Derrick, comme son compatriote Le Renard et l’Ecossais Taggart, est d’un réaliste outrancier.  » Avec Derrick, t’es dans la vie de tous les jours, justifie un inconditionnel deux fois plus jeune que la moyenne. Tu as le sentiment d’être au café du coin. L’impression qu’il va rentrer dans le salon pour poursuivre son enquête… »

Kitsch et décalé

 » Derrick est, comme Columbo, un personnage conciliant, quelque peu manipulateur, avec une moralité irréprochable, ajoute Sandoz. Ces deux justiciers ont une vision assez conservatrice de l’ordre social qu’ils sont chargés de maintenir. » Des vertus qu’on adore dans les appartements à la côte et les maisons de retraite. Mais si les jeunes apprécient aussi ces feuilletons d’un autre âge, c’est sans doute un peu grâce à leur côté kitsch et décalé. Voire à leur redondance.  » Chaque fois que Columbo tire sur sa pipe ou parle de sa femme, tu aphones ta bière bleue… » Oui, les séries pour seniors font un tabac auprès des étudiants. Programmées plus souvent qu’à leur tour sur la RTBF (une des seules chaînes disponibles avec une bête antenne), elles animent chaque après-midi les kots des brosseurs, des glandeurs et des casaniers.

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