Portrait d’un guérilhéros – Habité par Benicio Del Toro, le diptyque de Steven Soderbergh sur Ernesto Che Guevara n’évite pas le travers de l’hagiographie.
De Steven Soderbergh. Avec Benicio Del Toro, Franka Potente, Demian Bichir. 2 h 07 et 2 h 08. Dist: Twin Pics.
Deux parties, longues d’environ deux heures chacune, il n’en fallait pas moins pour évoquer le destin d’Ernesto « Che » Guevara, icône argentine de la révolution cubaine qu’il tenterait ensuite sans succès d’exporter au continent latino-américain, pour tomber, quelques années plus tard, sous les balles de l’armée bolivienne, avant d’accéder au rang de mythe.
Walter Salles s’attachait, dans l’impeccable Diarios de Motocicleta, au voyage fondateur de Guevara; Soderbergh s’en tient strictement, dans son diptyque, à son activité de guérillero. Première partie du film, Che: l’Argentin débute par la rencontre avec Fidel Castro et l’union sacrée des deux hommes et de leurs compagnons – ils sont 82 au départ – pour libérer Cuba du joug de Batista. Une épopée victorieuse encadrée par les images de la visite accomplie en 1964 par le Che à New York, moment où il réaffirme, dans la presse et à la tribune des Nations unies, les idéaux révolutionnaires – ceux-là mêmes que partagea la population cubaine, clé de leur succès.
Che: guérilla, le second volet, s’ouvre, pour sa part, en 1965, lorsque le Che disparaît de la scène politique. On le retrouve quelques mois plus tard dans la jungle bolivienne où, sous une identité d’emprunt et flanqué de quelques camarades, il s’emploie à gagner la population locale à sa cause. En pure perte, toutefois, si bien que, en dépit d’escarmouches et de soutiens extérieurs, l’entreprise tourne au chemin de croix, longue litanie à l’issue tragique…
A hauteur de légende
S’il restitue autant l’ampleur du personnage que la grandeur de ses engagements, Soderbergh approche son modèle à hauteur de légende. Il pose ce faisant la limite de son propos, s’en tenant, pour l’essentiel, à une vision du Che en « guérilhéros » sans peur et sans reproches, une icône pour T-shirts et posters de chambres d’adolescents. L’hagiographie n’est guère éloignée, le film se gardant bien d’explorer plus avant les zones d’ombre du personnage, de même qu’à lever le voile sur des épisodes moins connus de son histoire – son aventure congolaise, notamment. Si ce travers est source de légitime déception, Che n’en reste néanmoins une £uvre au souffle indéniable, transcendée qui plus est par un exceptionnel Benicio Del Toro, dont la prestation va au-delà du simple mimétisme – l’acteur/producteur en fut d’ailleurs récompensé à Cannes. Au-delà de ces considérations, l’édition DVD conjointe des deux parties du film permet aussi d’apprécier le travail de Soderbergh, dont on mesure ici à quel point il a construit le second pan du diptyque comme le négatif du premier. Aux envolées conquérantes et lumineuses en Cinémascope de Che: l’Argentin répond la procession funèbre de Che: Guérilla, qui voit l’horizon se refermer, inexorablement, sur ses protagonistes – processus que vient habilement souligner un format panoramique. C’est dire aussi combien il importe de visionner les deux parties l’une à la suite de l’autre, telles qu’on put les découvrir à Cannes en 2008. Pas de compléments.
Jean-François Pluijgers
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici