Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Jamais sans mon fils – Portrait magistral d’une mère courage, le film de Clint Eastwood permet à Angelina Jolie de donner la mesure de son talent. Une leçon de classicisme épuré.

De Clint Eastwood. Avec Angelina Jolie, John Malkovich, Michael Kelly. Dist.: Universal.

Les femmes en général, et les héroïnes de la vie « réelle » en particulier, inspirent décidément Clint Eastwood ces dernières années. Après le formidable Million Dollar Baby de 2005 et avant de donner des rôles décisifs à une grand-mère et à une jeune fille asiatiques dans le tout récent Gran Torino, il traçait voici quelques mois à peine le portrait hautement mémorable d’une mère courage de l’entre-deux-guerres. Inspiré d’une affaire criminelle authentique, le film offre à Angelina Jolie l’occasion d’exprimer un talent qui ne se résume certes pas à une plastique spectaculaire. La fille de Jon Voight interprète Christine Collins, une jeune femme dynamique qui élève seule son jeune fils tout en travaillant dans un standard téléphonique. Nous sommes à la fin des années 20, et combiner les deux est chose moins évidente qu’aujourd’hui. Un jour que Christine a été appelée d’urgence au travail, elle doit se résoudre à laisser quelques heures son petit garçon seul à la maison. En lui recommandant bien de n’ouvrir à personne et de ne pas sortir courir l’aventure. A son retour, et à sa grande terreur, son fils n’est plus là. A Los Angeles, en cette année 1928, ce n’est pas la seule disparition d’enfant de nature inquiétante. Mais la police reste, un moment, sourde aux appels de la mère qui éprouve les pires difficultés à faire déclencher une enquête. Alors que les autorités semblent finalement se mettre sérieusement à la recherche du garçonnet, ils retrouvent un gamin qu’ils ramènent à Christine en lui disant qu’il est son fils, ce que l’intéressé confirme. Mais elle sait qu’il ne s’agit pas de son enfant, et ses dénégations, sa révolte, la conduiront bientôt à être internée dans un hôpital psychiatrique… Comment un pasteur remuant, en guerre contre le laxisme et l’incompétence (voire la corruption) des pouvoirs publics, va la sortir de l’asile, comment quelques policiers intègres remonteront la piste de celui qui a kidnappé son fils, Changeling nous le raconte dans un crescendo de suspense, d’horreur et d’émotion.

Puissance et simplicité

La réalisation d’Eastwood est d’une grande puissance et en même temps d’une éminente simplicité. Une leçon de classicisme épuré comme seul Clint peut en donner aujourd’hui. Le vétéran (79 ans depuis le 31 mai dernier!) conserve une forme créative que nombre de ses jeunes collègues pourraient lui envier… et lui envient d’ailleurs. Devant sa caméra limpide, d’une exemplaire fluidité, Angelina Jolie joue juste et bien, avec une sobriété, une retenue, qui rendent sa prestation plus bouleversante encore, comme dans l’également fort tragique A Mighty Heart de Michael Winterbottom. Un John Malkovich véhément ajoute son beau grain de talent à un ensemble qui nous rive à notre fauteuil, même joué sur un écran aux dimensions modestes. Les bonus du DVD comprennent notamment un double portrait de la vraie Christine Collins et de son interprète, travaillant à « devenir » peu à peu le personnage réel qu’elle doit jouer. Un documentaire de type « making of » permet de voir Eastwood et ses collaborateurs au travail, dans une quiétude générale contrastant avec les événements terribles que le film relate.

Louis Danvers

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