Cécile de France a voulu rendre « solaire » une Sour Sourire au pseudo peut-être assez mal choisi. Mission accomplie pour une actrice plus caméléon que jamais.

Une fois de plus, elle surprend. Dans le rôle peu gratifiant de Jeannine Deckers, plus connue sous le pseudonyme de S£ur Sourire, Cécile de France signe une prestation remarquable et remarquée. Une performance qu’elle commente pour nous avec des mots bien éloignés de la langue de bois…

Aviez-vous une opinion sur le personnage de S£ur Sourire avant d’avoir à le jouer?

Non, j’ai découvert ce personnage il y a huit ans, quand le producteur Jan Van Raemdonck m’en a parlé. Comme un peu tout le monde, je connaissais la chanson, mais rien de plus. Je me suis très vite intéressée à sa destinée hors du commun, et j’ai pu donner mon avis sur les différentes versions du scénario, avant et après que Stijn Coninx rejoigne le projet pour le réaliser. Les sept ans qu’il a fallu pour que le film se fasse m’ont permis d’arriver au tournage en pleine connaissance de cause.

Un des enjeux pour vous était bien sûr de pouvoir incarner le personnage de l’adolescence à la fin de sa vie. Toutes les comédiennes ne sont pas capables de rendre cela crédible…

Il y a bien sûr eu l’aide des maquilleurs, des costumières. Mais nous n’avons pas été jusqu’au mimétisme physique, comme dans La Môme par exemple. Car je ne ressemble pas vraiment à la vraie Jeannine Deckers. Nous ne sommes pas allés non plus dans le vieillissement total, car Stijn voulait que la fin du film se déroule dans une sorte d’intemporalité poétique, abstraite de la réalité. Cette liberté m’a permis de jouer les différents âges plus facilement.

Le contact avec sa propre enfance n’est-il pas par ailleurs favorisé par le métier d’actrice?

Oui, bien sûr! Ne dit-on pas « jouer », comme jouent les enfants? Interpréter des âges différents fait partie du plaisir, comme aussi le fait d’endosser le costume de bonne s£ur, qui m’a rappelé le bonheur que j’avais, enfant, à me déguiser, à me vêtir en princesse. Le plaisir est identique! Après, il est mûri, parce que c’est mon métier, que j’en vis… Mais j’espère ne pas me prendre trop au sérieux non plus. Je me sens investie à cent pour cent dans tous mes rôles. Dans celui-ci plus particulièrement peut-être…

Pourquoi plus particulièrement ce personnage de Jeannine Deckers?

Pour sa complexité. Et aussi parce que le film a failli ne pas se faire, et qu’au premier jour de tournage il y avait déjà ce bonheur d’être là, simplement, d’avoir réussi – ensemble – à faire exister S£ur Sourire.

Qu’avait le personnage de si attirant pour vous?

Déjà le fait qu’elle ait ce côté rebelle, insoumis (elle voulait donner une image plus humaine de l’Eglise, elle parlait beaucoup et librement, elle a écrit une chanson sur la pilule contraceptive), qui lui fit prendre des risques, s’attirant les foudres de l’Eglise avec un grand E… Mais aussi le fait qu’à côté de ce côté « cool », elle ait eu sa part d’ombre, qu’elle ait été une emmerdeuse, une égoïste, avec un moi surdimensionné. C’était une grande gueule, une tête de bois, une tête de mule, arrogante, ne supportant pas les critiques d’où qu’elles viennent. C’était une grande enfant, une éternelle adolescente qui refusait de se remettre en question, de voir la réalité comme elle est. Elle était toujours dans une illusion du réel,  » un au-delà du réel » comme elle dit dans son journal intime. Du coup elle choisissait toujours la fuite. La fuite au couvent pour s’éloigner de ses angoisses sexuelles, amoureuses, de la froideur de sa mère. Bien sûr elle n’a pas trouvé là-bas le réconfort qu’elle cherchait! Plus tard, dans sa vraie vie, quand elle a voulu continuer sa carrière après le succès de Dominique mais qu’elle n’a plus porté le voile, qu’elle n’a plus pu s’appeler S£ur Sourire, elle a de nouveau fui ses problèmes sexuels, ses problèmes d’argent. Une fuite dans les médicaments, l’alcool, la dépression, l’autodestruction poussée à son extrême avec finalement le suicide au bout du chemin… C’est un personnage incroyable à interpréter. Elle était son propre obstacle. Elle ne savait pas comment faire avec l’amour. Le film parle surtout de ça, de cette incapacité d’aimer, de saisir le bonheur qui est à portée de main… Quand on ne s’aime pas soi-même, il est difficile de pouvoir aimer les autres! l

Rencontre Louis Danvers

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