DE LOVE AUX BYRDS EN PASSANT PAR LES SEEDS ET LE SURF, LES ALLAH-LAS PRÊCHENT LA BONNE PAROLE CALIFORNIENNE. L.A. STORIES…

Lunettes de soleil, cheveu désordonné, barbe naissante de lazy days… Les quatre Allah-Las en mode pas pressés se prélassent par une journée ensoleillée de fin d’été dans les jardins du Botanique. Les Allah-Las ont comme leur musique du mal à le cacher: ils viennent de Californie et plus précisément de Los Angeles. « Un tas de gens s’y installent bercés par des rêves de cinéma. Or, il n’y a pas assez de rêve ni assez de boulot pour tout le monde, explique le batteur Matt Correia. Perso, gamin, je voulais devenir footballeur ou skateboarder mais Los Angeles est une ville idéale pour la musique. J’ai grandi entouré par des gens qui l’adoraient et la collectionnaient. Je ne me rendais pas compte de la chance que j’avais. Notamment d’avoir autant de magasins de disques, de studios et de clubs à portée de main. »

Pendant six ans, Matt a travaillé chez Amoeba. Une immense et incroyable boutique indépendante de skuds sur Sunset Boulevard. C’est là qu’il a rencontré deux des futurs Allah-Las. « Ce qui est super quand tu y bosses, c’est que tu mets la main sur les disques d’occasion avant même qu’ils soient dans les rayons. C’est pour ça que j’ai voulu y bosser. Je ne sais pas la pire daube que j’ai pu fourguer à une star d’Hollywood. Par contre, je suis parvenu à revendre au magasin un double album dans lequel il y avait deux fois le même disque…  »

En employés… modèles, les Angelenos ont la culture musicale touffue. « Il y a des tribus qui vont jusqu’à se fringuer comme dans les années 60. Nous, on achète des albums de toutes les décennies depuis les sixties jusqu’à aujourd’hui. » Avec tout de même un goût prononcé pour leur Californie natale et le son vintage. Le leur, c’est Nick Waterhouse qui les a aidés à le façonner… « J’ai rencontré Nick quand j’étais à l’unif à San Francisco. On aimait le même genre de trucs. Que ce soit du rock’n’roll, de la soul ou du jazz. Lorsque j’ai bougé à Los Angeles et qu’on a lancé le groupe, il est venu voir un concert. C’est génial d’avoir un ami avec une oreille comme la sienne. Il a beaucoup étudié ce qui s’est fait à travers l’Histoire en matière d’enregistrement. Mais notre son est aussi dû à notre équipement… »

Love is all around…

Entre l’amour de l’un pour la série télé sixties qui a inspiré les Naked Gun (Max la Menace, créé par Mel Brooks) et quelques considérations sur la quasi disparition du western, les Allah-Las blablatent musique. Ils décortiquent le surf qu’ils préfèrent instrumental façon Sentinals, Lively Ones, The Impacts, The Pyramids… « Celui qui te parle de vague et de plage est cheesy et pas très passionnant. Mais le deuxième album de Ronny & The Daytonas, Sandy, est vraiment super. Les paroles sont plus profondes que d’habitude et la production est très cool. C’est l’époque Smile/Smiley Smile des Beach Boys. » Ils s’étalent aussi sur Love. L’une de leurs grandes influences.

« J’ai vu Arthur Lee en concert après sa sortie de prison, se souvient le bassiste Spencer Dunham. C’était à Orange County dans une salle devenue depuis l’un des repères de Burger Records. Les Growlers y organisent un festival: la Beach Goth Party. Il y avait quelque chose de choquant à voir quelqu’un que je m’imaginais forcément autrement mais il assurait encore vachement bien. » « La première fois que j’ai pris Forever Changes (1967, ndlr) en main, que je l’ai acheté et que je l’ai écouté dans la voiture sur le chemin du retour à la maison, je me suis dit que je n’avais jamais entendu un album traduire aussi distinctement le Los Angeles des sixties« , reprend Matt. « Derrière les arrangements lumineux et les parties orchestrales se cachent des textes qui explorent la face sombre de la ville et en font un album particulièrement intéressant, s’intercale le guitariste Pedrum Siadatian. Forever Changes, c’est L.A. qui brûle dans la perte de l’idéal hippie. »

« Ça correspond finalement bien à la vision que nous en avons. Des quartiers extrêmement riches en côtoient d’autres particulièrement craignos. Los Angeles est l’une des métropoles qui comptent le plus de sans-abris au monde. » Le plus de zicos sans doute aussi. De Nick Waterhouse à son pote Ty Segall en passant par White Fence, il est aujourd’hui à la mode de s’installer du côté de Tinseltown… « En gros, en Californie, tu as trois villes: Los Angeles, San Francisco et Orange County. SF est trop cher. Orange County est trop jeune. Pas assez d’art, pas assez de culture. Puis il n’y a pas non plus assez de clubs et de studios. Alors, pour l’instant, tous ces mecs à qui tu peux ajouter Thee Oh Sees ou encore les Fresh & Onlys posent leur barda à Los Angeles. C’est un moment intéressant pour la musique californienne. Plein de groupes percent avec un son assez typique et particulier. Un son orienté guitare et souvent analogique. Loin de tous ces beats digitaux de New York et de partout ailleurs…  »

Les Allah-Las n’ont pas juste intitulé leur album Worship the Sun (lire la critique dans Focus du 12/09) comme un appel à la célébration du soleil californien. Ils ont donné à l’une de leurs chansons, un instrumental, le nom de la Ferus Gallery. Repère d’art contemporain d’avant-garde qui se fit de 1957 à 1966 catalyseur de l’art moderne sur la Cienega Boulevard… « Elle a exposé beaucoup de créateurs underground de Los Angeles: le travail d’Ed Kienholz qui en était l’un des fondateurs, des photos de Charles Brittin… Mais c’est aussi à la Ferus qu’Andy Warhol a montré ses oeuvres pour la première fois sur la côte Ouest. Il s’agit d’un lieu important dont on ne parle pas assez et qui était lié à la scène beatnik. A priori, il n’y a plus beaucoup d’endroits aussi prescripteurs aujourd’hui mais le temps dira peut-être le contraire. » Il dira aussi si les quatre garçons dans le vent chaud et ensablé sont faits pour durer. Inch Allah-Las…

LE 10/10 À L’ORANGERIE (BOTANIQUE).

RENCONTRE Julien Broquet

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