Samedi, un jour d’avril. Castagnettes.

Je suis chanteur, je fais du rock en Belgique. Parfois c’est vide de sens. Parfois ça n’a aucun sens. Parfois c’est totalement le trou noir, ouais. Mais parfois je suis Mick Jagger ou Mozart, traversé par une fulgurance de génie pur. ça arrive. Je suis donc Mozart, Matisse ou Einstein; une mélodie se forge en moi, une idée, une intuition irrésistible, une force irrationnelle. Je vais donc vaillant dans la rue, je plais aux filles, je suis sexy. Je suis donc Mozart ou les Beatles, je me regarde dans un miroir et… découvre alors un sale gros bouton blanc plein de pus au coin du nez que personne ne m’aurait invité à percer? Oui. Et me revoilà castagnettes en Suède; inutile, stupide et sans intérêt. ça arrive.

Dimanche, un jour d’avril. Barbecue.

A un barbecue l’autre soir. Beaucoup de monde. En musique de fond, U2 avec Sunday Bloody Sunday. La vieille chaussette nostalgique que je suis s’adresse aux plus jeunes: « Aah c’est pas de votre génération, mais U2, c’était quand même énorme avec Sunday Bloody Sunday… » Et un autre nostalgique de préciser: « Ouais, U2, c’était énorme ET politique. Parce qu’ils étaient les premiers à dénoncer ce qui s’était vraiment passé ce samedi-là! »

Lundi, un jour d’avril. Ma mère et l’évasion.

Quand j’étais petit, nous habitions avec ma mère dans le sud de la Belgique. Trop au fond pour être Gaumais, trop au sud pour être Lorrain. Pour survivre et nous faire vivre, ma mère faisait tous les boulots possibles à « l’américaine » en femme vitale qu’elle était. Tour à tour vendeuse de jeans à Pantashop, cantinière dans une boîte infâme, gardienne de zoo, infirmière, assistante au carwash du GB et bijoutière de kakailles… Elle avait une grâce et une luminosité d’actrice. Et une énergie folle. Nous habitions dans une boîte de carton, et dévorions nos ongles pour étouffer la faim. Parfois nous recevions un bout de vieux pain du voisin pour accompagner notre Royco Minute Soup. Ce même voisin lubrique espérant ainsi obtenir les faveurs de ma mère. A Athus, nous avions donc faim, froid (aaaaaah les longs hivers de la rue de Longeau!) et passions nos jours à nous évader. Quelques outils pour ce faire: le discobus près de la gare, le disquaire dans la rue du centre et le vol à l’étalage à la superette plus haut. (Nan, j’rigole. Nous ne volions pas. Je le jure). Nous n’avions ni la télévision, ni la radio. Le téléphone étant trop cher, nous disposions de deux pots de yaourt reliés par une ficelle tendue. Les filles ne me regardaient pas, j’étais trop pauvre ou trop moche. J’ai quitté Athus pour la Californie un soir d’été, ma mère pleurant toutes les larmes de son corps.

http://www.myspace.com/sharkobelgium www.sharko.be En concert le 13 mai aux Nuits Botanique

Exclu! pendant un mois, Sharko tient son journal de bord dans Focus

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